Quoi de mieux pour appréhender la diplomatie d’un pays, ici la France, que de lire les mémoires d’un ambassadeur ? C’est ce que nous proposent les éditions Perrin en éditant celle d’un personnage, Robert Coulondre, qui fut ambassadeur de France à Berlin en 1939 après l’avoir été deux ans auparavant à Moscou.
Ambassadeur de la France dans les deux grands régimes totalitaires du 20ème siècle, il fut notamment celui qui a signifié à Ribbentrop, le ministre des affaires étrangères allemand, la déclaration de guerre de la France le 3 septembre 1939. En étant aussi à Moscou, il s’est donc retrouvé dans les deux endroits les plus explosifs d’Europe.
Cinq ans après la Seconde Guerre mondiale, Robert Coulondre pris sa plume brillante pour égrener de son point de vue le compte à rebours fatidique de 1936 à 1939. Ici, les éditions Perrin nous proposent une édition critique, annotée et préfacée de mains de maître par François-Guillaume Lorrain.
L’ouvrage est construit en deux parties, l’une concernant sa période moscovite entre octobre 1936 et octobre 1938. La seconde partie couvre sa période berlinoise, plus courte, de novembre 1938 à septembre 1939.
A chaque fois son point de vue et ce qu’il nous raconte est passionnant, les détails qu’il nous dévoile sont précieux notamment ceux concernant la Russie stalinienne dont il dresse le portrait de ses dirigeants. Staline fait l’objet de plusieurs chapitres, que cela soit l’homme, le tyran rouge ou bien ses politiques, ses purges effroyables et sa politique économique.
Les passages et les chapitres concernant les accords de Munich sont passionnants, on appréhende parfaitement les lendemains de cet accord historique (qui vit la France et le Royaume-Uni céder devant Hitler) et ses conséquences. Ses réflexions sur cet accord sont aussi très pertinentes, s’interrogeant sur ce qu’il se serait passé si les puissances occidentales s’étaient opposées au démembrement de la Tchécoslovaquie en émettant des hypothèses.
Avant d’entamer sa partie sur sa période berlinoise, il nous décrit le jeu d’équilibriste qu’il dut faire pour enchaîner sa mission de Moscou avec celle de Berlin. Après être venu à Moscou travailler à une entente contre Hitler, il devait aller à Berlin travailler à une entente avec Hitler.
On comprend donc bien la difficulté de faire de la diplomatie qui rend les diplomates parfois sceptiques et désabusés. Il nous raconte sa découverte des personnages clés du Reich, de Goering à Goebbels en passant pas Rosenberg. Il nous décrit aussi longuement le personnage d’Hitler qu’il rencontra à plusieurs reprises.
Il nous parle enfin dans un chapitre particulièrement éclairant de l’accord germano-soviétique, du pacte de non-agression signée entre Hitler et Staline. Se dessine alors une entreprise malsaine à l’égard de la Pologne dont il se rend compte.
L’ambassadeur s’empresse alors de prévenir Paris pour proposer des solutions pour éviter la guerre. Une guerre qui débutera le 1er septembre, qu’il nous raconte au travers de sa rencontre avec Ribbentrop pour lui annoncer officiellement la déclaration de guerre française. Un Ribbentrop qu’il lui déclarera la France devient l’agresseur auquel il lui répondra l’Histoire jugera.
Au final, c’est donc une superbe édition que nous proposent les éditions Perrin avec cette version superbement annotée par Francçis-Guillaume Lorrain. Les mémoires de cet ambassadeur sont passionnantes, nous entraînant au cœur de la diplomatie française dans ces deux grands régimes totalitaires. |