"Von dem Manne werden Sie noch Großes hören!" Anton Bruckner
"It is completely impossible to estimate what music has lost in him : His genius soars to such heights even in this first symphony, written at the age of twenty. It makes him, without exaggeration, the founder of the new symphony as I understand it." Gustav Mahler
"The founder of the new symphony as I understand it" Gustav Mahler
26 ans, ce n’est pas un âge pour mourir, jamais, surtout quand on a un immense talent.
A la fin des années 1980, le musicologue Paul Banks découvre, dans les archives de la Bibliothèque nationale autrichienne, la partition de la Symphonie en mi majeur de Hans Rott. C’est Gerhard Samuel qui la dirigera pour la première fois avec l'Orchestre philharmonique de Cincinnati. Suivrons, pas forcément dans cet ordre : Simon Rattle, Russell Davies et surtout Constantin Trinks avec le Mozarteum Orchestra Salzburg ou Paavo Järvi avec l’Orchestre symphonique de la Radio de Francfort.
Paul Banks n’a pas fait simplement revenir du fin fond de l’oubli une œuvre importante d’un jeune compositeur, qui avait alors 20 ans, et indéniablement talentueux mais il a permis à Hans Rott de retrouver un peu, de lumière. La découverte de cette symphonie provoqua de vives réactions : Hans Rott était-il Mahler avant Mahler ? Sans Rott point de Mahler ? Mahler aurait-il pillé l’œuvre de son ami ? Le temps faisant son affaire les esprits se sont apaisés et nuancés.
Hans Rott est né le 1er août 1858 à Vienne. Il est le fils du comédien Carl Mathias Rott et de la chanteuse et comédienne Maria Rosalia Lutz. Il fait ses études musicales au Conservatoire de musique avec Hermann Grädener (harmonie), Leopold Landskron (piano) mais surtout avec Anton Bruckner (classe d’orgue). Un lien fort s’établit entre les deux hommes qui s’apprécient et s’estiment mutuellement. Rott montre très rapidement des envies de composition : Symphonie en la bémol majeur pour orchestre à cordes, Ouverture d’Hamlet, Ouverture de Julius Caesar, des lieder...
Mais l’œuvre dont il est le plus fier et sur laquelle il fait reposer le plus d’espérance est sa symphonie en mi majeur. Aidé de son mentor, il essaie de la faire jouer par le chef d’orchestre pro musiques nouvelles Hans Richter. Mais ce dernier refuse de la diriger. Rott doit ensuite la montrer à Brahms pour l’obtention d’une bourse d’état. Le refus est cinglant, le compositeur lui conseillant même de renoncer à la composition. Entre Brahms et le jeune Rott se joue une lutte esthétique entre défenseurs d’une certaine tradition conservatrice (Brahms) et un axe plus novateur avec Wagner et Bruckner. Rott doit alors trouver un emploi stable et décide d’accepter le poste de directeur de la musique et chef de chœur d'une chorale à Mulhouse.
Le 22 octobre 1880, il est dans le train qui l’emmène en France. Durant le voyage, un passager près de lui s'apprête à allumer son cigare. Que se passe-t-il vraiment dans la tête de Rott ? D’un coup, il dégaine son revolver et menace l'homme, craignant que Brahms n'ait rempli le train de dynamite... Le 23 octobre, il est emmené à la clinique psychiatrique de l'Hôpital général de Vienne, "dans un état de confusion totale avec délire de persécution". Il n’en ressortira plus. Après une tentative de suicide début 1881, il est interné à l’asile du land de Basse-Autriche. Il y décèdera le 25 juin 1884.
Cette intégrale des œuvres orchestrales et donc un excellent moyen de se rendre compte, n’en déplaise à Brahms, mais il n’est plus là pour en discuter, des qualités d’un grand compositeur en devenir.
Ce n’est pas un secret de dire que l’on entend tout au long de ces œuvres les très fortes influences de Wagner (plus particulièrement dans le Prélude Orchestral en mi majeur, dans les nombreuses citations des Maitres chanteurs, de Lohengrin ou l’Or du Rhin dans la symphonie…) et Bruckner, et que parfois elles peuvent évoquer Mahler dans les expressions, les couleurs, l’harmonie ou les choix d’instrumentations. Les deux étaient amis, rien de surprenant donc.
La première et plutôt imposante symphonie avec ses sonorités héroïques et majestueuses, son écriture dévoilant sa virtuosité et un petit côté studieux (la superbe fugue du final, superbe mais sonnant comme un passage obligé) ne doit absolument occulter le reste des œuvres qui méritent amplement d’être découvertes, comme par exemple la belle ouverture d’Hamlet entre tensions et lyrisme, Christopher Ward et le Gürzenich Orchester Köln se montrent à la hauteur de la tâche avec un un allant communicatif, un sens des dynamiques, du grandiose parfois, un équilibre sonore qui font les belles versions. A découvrir absolument donc !
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