"D'avoir eu l'immense privilège d'être dédicataire de créations aussi importantes qu’Anthèmes 2 de Pierre Boulez, Partita II de Philippe Manoury, Atlas II de Sasha Blondeau me donne une responsabilité, celle de transmettre la pensée de leur compositeur que j'ai eu la chance de recueillir. Désireuse de faire partager cette expérience, l'empreinte sonore de ces œuvres, avec l'aide précieuse de l'IRCAM, est également pour moi une manière de leur rendre hommage." Hae-Sun Kang, violoniste
Doit-on rappeler l’importance d'Hae-Sun Kang dans l’interprétation du répertoire violonistique moderne ? C’est, par exemple, elle qui a créé Anthèmes 2 de Boulez en 1997 à Donaueschingen (œuvre qu’elle a enregistrée chez Deutsche Grammophon), mais également des pièces d’Unsuk Chin, Beat Furrer, Georges Aperghis, Bruno Mantovani, Dai Fujikura, Marco Stroppa et Lara mosciano, Ivan Fedele, Pascal Dusapin...
Dire que la violoniste coréenne rentrera dans l’histoire de son instrument est un euphémisme. Parce que si les compositeurs lui font confiance, ce n’est bien évidemment pas pour rien. Elle a une véritable intelligence musicale, une sensibilité particulière, une ouverture d’esprit (ne pas jouer en boucle Beethoven, Sibelius, Wienawski, Bruch, Karlowicz, Lalo...), un sens du phrasé, des textures, et une grande virtuosité.
Et toutes ces qualités, toute sa musicalité, toute cette fraîcheur, toute sa science violonistique se retrouvent dans ce disque. Au programme donc Anthèmes 2 pour violon et électronique de Pierre Boulez (compositeur absolument magnifique et fondamental, n’en déplaise au triste Luc Ferry), Partita II pour violon et électronique de Philippe Manoury et Atlas II : ils portent en eux un passé qui s'immisce de Sasha Blondeau.
Le titre "Anthèmes 2" est la rencontre comme l’indique le musicologue Jonathan Goldman entre le terme "thème" en français et le terme anglais "anthem" et ouvre une réflexion sur la confrontation "thématisme / athématisme". Il y est donc question de thème, de ce qui forme un thème ou non, de structure musicale, de la multiplication des modes de jeux, d’atmosphères (entre contemplation et passage plus explosifs), d’une écriture très savante mais qui s’écoute très facilement, ce qui est la volonté du compositeur, et de spatialisation électronique. De plus, l'électronique permet l'accroissement et la modification de la structure sonore du violon.
L’alternance de climats, le jeu avec l’électronique, qu’il peut développer, modifier à loisir en temps réel est au centre de la superbe pièce de Philippe Manoury.
Sasha J. Blondeau est un jeune compositeur de musique mixte, à la fois instrumentale et électroacoustique totalement passionnant. Docteur en composition musicale du programme Ircam-Sorbonne Université-CNRS, il interroge notamment l'interférence entre écriture instrumentale et écriture électroacoustique. Des questions que l’on retrouve dans Atlas II : Ils portent en eux un passé qui s'immisce. L’écriture y est très savante, mathématique, intellectuelle mais jamais au détriment de la musique.
Électron libre est un disque important, pour les violonistes comme pour ceux qui aiment la musique.
Avant l'été et sa profusion de festivals, il y a encore de l'activité du côté de la musique, du théâtre, de la littérature et des musées. C'est parti pour notre petite sélection hebdomadaire