C’est une lapalissade mais la période que nous traversons ne peut laisser personne indifférent. Époque trouble pour de très nombreux artistes réduits à un silence forcé. Mais silence forcé ne signifie pas, ou ne devrait pas signifier, arrêt total du travail, et beaucoup d’entre eux ont profité pour composer, enregistrer et mettre sur papier ou bandes leurs ressentis. C’est le cas du contrebassiste Mauro Gargano et de son nouveau disque Feed, composé en partie lors de la première vague de la pandémie entre avril et septembre 2020.
Enregistré avec le batteur Christophe Marguet et le pianiste (piano et synthétiseurs) Alessandro Sgobbio, c’est un album forcément plutôt introspectif, poétique tout en rêvant d’ailleurs et d'échappées belles. La musique pour remplir le vide, pour oublier. "Rendre le passage du temps avec nous-même durable, rendre tolérable cette réalité basée sur l’attente de temps meilleurs et de la liberté. Pendant toute cette période, j’ai donc réfléchi à ce qui parvient vraiment à nourrir mon imagination et celle des gens qui aiment la musique. J’ai donc voulu appeler mon nouveau projet : "feed", "nourrir", "alimenter"" comme l’explique Gargano.
On laisse donc son esprit voguer au gré de morceaux pleins de dynamiques, de nuances, de forces. De tout ce qui fait Mauro Gargano : le jazz, l’Italie ("Ilva’s Dilemma", reprise de son thème Pasolini évoque l’aciérie d’Ilva où les politiciens sont tiraillés entre fermer l’usine à cause de la pollution qu’elle produit et la nécessité de maintenir les emplois malgré le danger ou "The Red road" avec ses intervalles de neuvième et treizième, référence à la nationale 7 près de l’usine Ilva (aujourd’hui propriété d’Arcelor Mittal) couverte de poussière rouge et dédié à Lorenzo Zaratta, enfant de 5 ans mort du cancer à cause de la pollution).
C’est également un travail sur les lignes mélodiques, rythmiques et harmoniques : "Feed", "Full Brain" comme un tourbillon avec sa métrique impaire, "Keep Distance" et ses mélodies entrecoupées de silence qui apparaissent et disparaissent, parallèle avec les distances sociales, le presque progressif "Look Beyond the window" ou "The secret garden", construction en divers haïku mélodiques et référence au pianiste Gianni Lenoci.
Mais cette musique n’est pas faite que pour être figée, même si elle l’a été de très belle manière. C’est une matière vivante qui se doit d’être écoutée sur scène, il faudra en profiter pleinement !
De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.