Le Musée du Luxembourg propose l'exposition "Peintres femmes, 1780-1830 - Naissance d'un combat" que la commissaire Martine Lacas, formée à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, inscrit dans un discours d'actualité, celui la féminisation de l'espace culturel et de la révision de l'Histoire, en l'espèce de l'Histoire de l'Art afin de déconstruire "le modèle historiographique dominant".
Ainsi, sont réunies les oeuvres d'une quarantaine de femmes, dont seul (peut-être) le nom d'Elisabeth Vigée-Lebrun, qui a bénéficié d'une exposition monographique au Grand Palais en 2015, est mémorisé par le grand public. Ses consoeurs et homologues, bien qu'ayant joui de la notoriété en leur temps et de la commercialisation réussie de leurs oeuvres, ne sont pas passées à une postérité éclatante, au demeurant comme nombre de leurs homologues masculins, les "petits maîtres", eux aussi éclipsés par de plus grands talents.
Le parcours s'annonce politique avec des cartels qui ne se penchent pas tant sur la qualité artistique ou esthétique des oeuvres que sur le fait que des femmes ayant suivi une formation dédiée dans des ateliers privés ouverts par des peintres en place souvent membres de l'Académie royale, tels par exemple Jean-Baptiste Greuze, Jean-Baptiste Régnault et Jacques-Louis David, sont devenues des artistes professionnelles ayant accédé aux fameux Salons institutionnels déterminants pour la consécration des artistes en affirmant - et revendiquant - leur statut.
Etre ou ne pas être...
...femmes peintres ou peintres femmes, telle est la question que la commissaire pose aujourd'hui sur la production picturale à la signature féminine de 1780 à1830 présentée en un parcours thématique de 4 sections : "Le droit d'être peintres" "Apprendre. Dilettantes et professionnelles", " Le Salon : un espace incontournable en mutation" et "Moi. Peintre".
Sont essentiellement présentés, nonobstant quelques paysages, scènes de genre sur le thème de l'atelier et tableaux d'histoire, des portraits, autoportraits et portraits de la bonne société, la bourgeoise en quête d'arbre généalogique pictural à l'instar de la lignée aristocratique, ainsi que des femmes des familles royales de Marie-Antoinette à la reine Marie-Amélie.
Première constatation pour le visiteur au regard de la sélection opérée, la production de ces peintres femmes, femmes de bonne famille pour la plupart issues de la bourgeoisie, ressort à la peinture de figure et à "l'entre-soi" avec des portraits élitaires ne comportant aucune représentation du peuple et, a fortiori, de la condition féminine plébéienne.
Et elles se consacrent - ou se cantonnent - à la peinture de salon, avec une minuscule, et à un registre de prédilection, le genre du portrait dans le sillage d'Elisabeth Vigée-Lebrun, "le portrait aimable" et "le portrait au naturel", le naturel étant à l'époque synonyme d'idéalisation impliquant une certaine mièvrerie accentuée par des cimaises claires au chromatisme poudré.
Ce qui se traduit par une unité de traitement figé dans le néo-classicisme d'autant plus troublante que dans chaque salle sont mêlées les oeuvres des deux siècles qui s'avèrent imperméables aux mouvements stylistiques qui se succèdent.
Pour compléter la visite écouter en podcast l'émission de Jean de Loisy sur France Culture dans le cadre de son programme "L'Art est la matière" avec la commissaire et la sociologie Séverine Sofio. Et à voir dans la même obédience muséographique l'exposition "Elles font l'abstraction" au Centre Pompidou |