The Elektrocution : Open Heart Surgery, ou pourquoi lécher un pacemaker est une mauvaise idée.
Le régionalisme est un problème bien français, après les nombreuses revendications des nationalistes basques, corses, bretons, j'en passe et des moins bons, on comprend mieux pourquoi il est logique de vanter la culture de sa ville natale. Si on clame que Zebda est toulousain et que Mickey 3D vit toujours à Saint Etienne, il existe un vrai fanatisme chez les normands: Leurs groupes de Rock 'n' Roll. Les Dogs de Rouen, Little Bob du Havre... The Elektrocution est victime de tout cela.
Leur premier album au nom aussi fin que "Opération à Coeur Ouvert" est une sorte de bonne surprise. Dans une ville qui se complait à l'intérieur d'un univers Metal omniprésent, the Elektrocution nous lance le défi d'écouter un rock décomplexé, un uppercut dans le nez qui clôt le match en un seul round.
Les cinq premiers morceaux s'enchaînent dans une violence sans nom, une véritable rage d'aller de l'avant, plus déterminé qu'un homme tronc dans un 500 mètres . De la musique sèche balancée à 100 à l'heure, poussée par un chanteur victime d'une rage de dent chronique. "You can run" entonne-t-il sur "Elektrocution Uber Alles", ça on veut bien le croire.
Voilà une musique qui écrase le rythme à grand coup de talon dans le sol : ça sue, ça bouge des cheveux, sous l'emprise d'un vrai démon. Arrêtons, les divagations déliro-maniaques; mettre cet album sur la platine c'est accepter un tour de grand huit, ni plus ni moins. N'est-ce pas là le grand rêve de l'urgence adolescente? Le "Live fast/Die Young" de Domminique Laboubée? Mais laissons-les s'exprimer sur le sujet: " Fuck Away Your Choice/Fuck Away your Treat/Fuck away your look at/Fuck away your..." c'est bien ce que je pensais.
Des références? En faut-il réellement? On pourrait dire la rage du MC5 sans le sexy des Stooges. On aurait aimé un peu plus d'aura sexuelle, plus d'étincelle lubrique, le "Roll" du Rock quoi. Exactement ce que l'on retrouve dans la manière qu'a le chanteur de cracher son "Shadow" au début de "The Treat". The Elektrocution serait une sorte de Rocco Siffredi en perpétuelle érection mais ayant un mauvais mouvement de bassin.
L'album est lui construit de manière intelligente : la véritable tempête des cinq premiers morceaux se voit coupée nette par une mi-temps aux sixième et septième chansons (soit respectivement "Calvaire" et "Elektrocution Uber Alles").
Morceau qui approfondit une certaine esthétique, "Calvaire" ferait penser à la B.O d'un Tim Burton composée par le Ennio Morricone électrique, du style "A Silhouette of Doom" défoncé au LSD ; quant à "Elektrocution Uber Alles" c'est un surf-rock qui pourrait être qualifié, dans la plus grande joie des néologismes, de Fuzzy Gothique... ou quand Brian Wilson se transforme en Beatle Juice. Des morceaux qui donnent de l'amplitude, une couleur humour décalé, autodérision qui manque cruellement en France. En parlant de la France, les groupes hexagonaux sont frappés d'un mal bien handicapant, celui de vouloir défendre la musique dans leur patrie tricolore. Au lieu d'avoir les ambitions de tout groupe de rock depuis les sixtie's (soit tout bêtement changer le monde), les français perdent un temps fou à se chercher une identité dont il nous est difficile d'accoucher.
The Elektrocution ne semble pas avoir le complexe du frenchie. Leur but est clair et net : emmener le rock le plus loin possible, eux dans le rôle de la locomotive folle. Mais est-ce à des gens quasi trentenaires de faire ce job quand des gamins de seize ans s'en occupent ? Pourquoi pas car la souffrance est là, dans "Your life is a Joke" avec son arpège crève coeur, la voix d'écorché vif du chanteur... dans le beat de batterie blues titubant et l'ambiance crypte du clavier.
A défaut d'avoir des boutons plein la gueule, ils ont l'honnêteté et la fêlure que l'on a en grandissant. Alors ce groupe n'est pas révolutionnaire, mais on est sûr de pouvoir compter sur eux pour porter le flambeau aussi longtemps que nous accepterons de le voir se consumer. |