Comédie musicale de Stéphane Laporte et Gaétan Borg, mise en scène de Patrick Alluin, avec Marina Pangos, Simon Heulle et Harold Savary.
Dans la catégorie des comédies musicales, il y a d’une part les spectacles typés Broadway, savant dosage entre un casting pharaonique, des décors titanesques et des costumes démesurés et puis il y a leurs consœurs théâtrales, un peu moins tape à l’œil mais tout aussi séduisantes, en format pépites de poche, et dans laquelle se classe "Exit".
Prenant un malin plaisir à se jouer de nos rapports houleux avec nos pires et meilleurs ennemis d'outre-Manche, "Exit" met en scène une jeune scénariste qui cherche à développer un jeu vidéo historique et ludique autours du personnage d’Aliénor d’Aquitaine et dont la vie personnelle et amoureuse entre soudain en résonnance tout à la fois avec son héroïne de prédilection, déchirée entre un roi français et un autre anglais, et l’actualité politique qui voit le royaume britannique danser la valse des hésitations du Brexit en mode "should I stay or should I go". Stéphane Laporte et Gaétan Borg qui signent le livret et les paroles, offrent donc en apparence une classique comédie romantique chantée, basée sur l’incontournable intrigue du triangle amoureux et la quête identitaire d’une héroïne trentenaire, mais en le twistant à leur sauce, c’est-à-dire avec une dose de fantaisie et beaucoup d’humour et de sensibilité. Ils entremêlent ainsi, sur les musiques volontairement très éclectiques de Didier Bailly, aux duos romantiques sensibles ("Il suffit d’un mot") et aux monologues introspectifs incontournables du genre ("Mon Aliénor"), des saynètes drolatiques où les personnages qui se bousculent dans la tête de notre scénariste prennent vie dans des numéros où l’inspiration médiévale rencontre le slam ("Trouba-dance"). Ainsi que des sonorités orientales s’hybridant avec celles de l’opéra ("Aliénor aux croisades") et ou le baroque se mêle aux codes visuels et sonores du jeu ("Marie-Antoinette et les moutons de Danton"), le tout sur fond d’animations vidéos simples mais efficaces réalisées par Stéphane Gérard. Patrick Alluin, s’appuyant sur les chorégraphies millimétrées de Mariejo Buffon et les lumières de Laurent Béal, signe une mise en scène au cordeau, profitant de chaque espace du théâtre et brisant le quatrième mur pour embarquer les spectateurs dans un Eurostar, symbole de l’entre-deux perpétuel où semble se dépêtrer notre hésitante jeune première. Si Simon Heulle et Harold Savary incarnent respectivement un touchant Antoine, éternel adulescent à l’humour douteux, et un envoûtant Mark, dandy londonien un brin ténébreux sensible et réfléchi, Marina Pangos se démarque quant à elle dans le rôle de Sybille par son naturel et son jeu tout en nuance, toujours juste, touchante, avec ce petit plus qui la rend tout à la fois drôle et sensible. Servie par une équipe artistique de grand talent, "Exit" revisite donc avec brio le genre de la comédie musicale romantique avec ce qu’il faut de créativité, et ce soupçon de folie et d’humour qui lui insuffle un supplément d’âme attachant. |