Opéra de Thomas Adès sur un livret de Philip Hensher, mise en scène de Julien Chavaz, avec Sophie Mariley, Timur, Alison Scherzer et Gareme Danby accompagnés par l'Orchestre de chambre fribourgeois sous la direction musicale de Jérôme Kuhn.
Dans les années 1960, les frasques de femme aux mœurs légères et à l'insatiable appétit sexuel de Margaret Campbell, alors mariée à un pair d'Ecosse, le duc d'Argyll, a défrayé la chronique mondaine anglo-saxonne qui la surnomma "Dirty Duchess" et s'est achevé en un retentissant et médiatisé procès en adultère.
En 1994, en signant l'opéra "Powder Her Face" sur un livret du romancier et critique Philip Hensher dédié à cette affaire de "revenge porn" avant l'heure relayée à l'épouse par les tabloïds, le compositeur anglais Thomas Adès secoue le Landerneau mélomanophile par une approche musicale très réaliste et expressive au point d'être censuré par la radio anglaise.
En 2020, avec l'Orchestre de chambre fribourgeois placé sous la direction de Jérôme Kuhn, le metteur en scène suisse Julien Chavaz réactive ce "brûlot" opératique novateur, objet d'un très large spectre d'appréciations par la critique à sa création.
Conçu comme un opéra de chambre pour quatre chanteurs et quinze instrumentistes, dans un registre éclectique entre atonalité et musique vocale, de Stravinsky à Benjamin Britten, procédant par syncrétisme des genres musicaux, il relate, en forme de biopic, le basculement du destin de la dame à la sexualité débridée - ou simplement libérée - dans une société qui, naviguant entre débauche et puritanisme, procède à une stigmatisation sexualisée.
Julien Chavaz conserve la structure originale de cette oeuvre de jeunesse de Thomas Adès qui toutefois ne pâtirait pas d'un resserrement et, bien que présenté avec la mention "déconseillé aux moins de 16 ans", le spectacle qu'il propose, et nonobstant la scénographie d'Anneliese Neudecker ordonnée autour d'un lit king size rond, ne s'aventure pas dans le registre égrillard appuyé de productions antérieures et twiste de façon vaudevillesque le crument scabreux de certaines scènes.
En effet, il a opté pour la manière du splendeurs et misères balzacien hybridé avec une approche symboliste dans laquelle la femme conspuée est victime de sa sexualité en une déclinaison du tragique existentiel mais sans altérer la contextualisation des sixties tout en n'hésitant à inclure des inserts comiques.
Cet opéra offre de singulières partitions de choix pour les artistes lyriques, et en l'espèce, à une distribution cosmopolite : la subtile mezzo-soprano Sophie Marilley en charge du rôle principal ainsi qu'à ses homologues multi-rôles à l'intervocalité émérite, la pétillante soprano Alison Scherzer, le sémillant ténor Timur et la basse assurée Graeme Danby.
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