Publié en 1995 et réédité en 2018 avec un avant-propos qui réaffirme son actualité, Sex Revolts est le premier ouvrage à faire l’analyse "des misogynies rebelles". L’ouvrage de Simon Reynolds, critique culturel très connu et de Joy Press, journaliste culturelle et éditrice états-unienne apparaît donc à certains égards en avance sur son temps, à l'heure où le rock et la pop n’ont pas encore vraiment connu leur moment MeToo.
L’ouvrage s’interroge sur une industrie dominée par les hommes, une idéologie et des affects qui charrient des éléments misogynes et masculinistes et continuent de se renouveler dans d’autres styles. L’ouvrage mêle critique musicale, études culturelles et études de genre et dresse un impressionnant panorama des représentations de la masculinité et de la féminité dans l’imaginaire du rock ainsi qu’une sorte de psychanalyse de la rébellion.
Particulièrement complet, il suffit de regarder la bibliographie et les notes de bas de pages pour s’en rendre compte. Il faut bien avouer qu’au départ le rock and roll a pu se définir comme une férocité masculine, une répulsion du féminin. L’ouvrage nous parle des hymnes machistes des Rolling Stones, du phallisme de Led Zeppelin mais aussi du punk et de sa glorification de l’abject.
A cette époque, la rébellion rock masculine s’est souvent ancrée dans un imaginaire où les femmes étaient sinon absentes, du moins reléguées à l’arrière-plan. Tout cela est traité dans une première partie conséquente, intitulée Misogynies rebelles dans laquelle on navigue autour de The Stranglers, Iggy Pop, Morrisson, et bien d’autres jusqu’au gangsta rap.
La deuxième partie examine les représentations idéalisées de la femme et de la féminité dans le rock masculin. La troisième partie permet de voir comment les femmes ont lutté pour créer une forme de rébellion qui leur soit propre. Elle retrace l’histoire de la rébellion des femmes dans le rock, au travers de certaines musiciennes comme Patti Smith ou Courtney Love, qui ont dû composer avec cet héritage majoritairement masculin pour créer leur propre répertoire et libérer leur propre énergie.
Par rapport à l’édition précédente, on trouve dans l’ouvrage un chapitre additionnel intitulé Parti pris critique, un chapitre qui existait déjà mais que les auteurs avaient décidé de ne pas mettre dans la première édition. Il apparaît pour eux pertinent de l’intégrer aujourd’hui puisqu’il prend la mesure d’une diversité de postures idéologiques au sein de la critique rock. Il intègre et anticipe les arguments du débat entre "rockisme" et "poptimisme" qui a fait rage durant la première décennie du 21ème siècle.
L’ouvrage est au final vraiment destiné aux passionnés de rock mais on y trouve aussi des références à des films. Il est particulièrement riche et vaste en matière de courants musicaux et de modes d’expression. C’est donc une réédition intelligente qui saura trouver son public. |