Spectacle musical de Norah Krief avec Norah Krief, Frédéric Fresson, Lucien Zerrad et Mohanad Aljaramani.
Dans "Al Atlal, chant pour ma mère", Norah Krief invite le spectateur à une soirée - trop brève - en Tunisie, où sa mère aimait à chanter "Al Atlal", une chanson d'Oum Kalsoum d'après un poème d'Ibrahim Nagi, sur une musique de Riad Al Sunbati. L'ambiance est chaleureuse et Nora Krief ne se contente pas de chanter des extraits de cette chanson fleuve. Elle parsème son chant de petites anecdotes concernant sa mère. Juive tunisienne rapatriée en France avec toute sa famille, sa mère a continué à vivre comme dans son pays d'origine. C'est donc dans cette Tunisie de l'exil, qu'elle a découvert un pays qu'elle a quitté à deux ans. Aujourd'hui, en s'emparant d'Oum Kalsoum, l'Egyptienne dont la voix rayonnait dans tout le monde arabe, elle prend en quelque sorte le flambeau maternel. Par petites touches, elle dessine un monde oriental disparu mais plein de parfums, d'odeurs, de gens originaux et tous bienveillants. On n'est pas dans la nostalgie, on est dans un combat pour la mémoire, pour qu'elle ne soit pas lacunaire et surtout pas déformée par le temps qui passe et les idéologies qui guettent. A ses côtés, elle a constitué une équipe concernée de musiciens, elle aussi avide de dire ses souvenirs : Frédéric Fresson, pianiste et compositeur, compagnon de route de Norah sur les "Sonnets" de Shakespeare, assure la direction musicale, Mohanad Aljaramani, percussionniste et oudiste ayant quitté la Syrie et Lucien Zerrad, spécialiste des musiques du monde. Pieds nus, de noir vêtue, Norah va et vient, heureuse, rieuse. "Al Atlal" est un spectacle modeste dans sa dimension, mais roboratif dans son contenu. Elle a su transmettre à chacun des spectateurs ce qui l'anime, partager avec eux ses contradictions et ses interrogations. En rendant hommage à sa mère, elle touche tous les enfants devenus grands, eux aussi ayant chacun une mère quelque part égarée dans une autre vie que celle qu'elle aurait aimé continuer à vivre. Toutes ses mères qui se sont sacrifiées pour eux dans un sourire, dans un silence aux forts non-dits. Ce spectacle est universel et les paroles de la chanson égyptienne, traduits sur un rideau en fond de scène, pourraient provenir de n'importe quel continent, de n'importe quel pays, de n'importe quel village. C'est l'amour et ses souffrances, ces "belles" souffrances qui renforcent cet amour... Rends-moi ma liberté, défais mes liens, J'ai tout donné, il ne me reste plus rien... A la toute fin du spectacle, sur le rideau, apparaît Oum Kalsoum dans un mauvais noir et blanc. C'est la chanteuse vieillissante qu'on aperçoit un instant. Un mythe pas près de s’évanouir... Surtout si elle est servie par des interprètes comme Norah Krief. |