Drame de Magali Mougel, mise en scène de Anna Zamore, avec Frédérique Dufour, Evelyne Torroglosa et Lou Heyman.
"Guérillères ordinaires" de Magali Mougel donne à entendre trois récits de femmes sous la coupe des hommes que la pression exercée sur elles, qu'elle soit sociale, professionnelle ou familiale a poussées à bout.
Sous la direction d'Anne Zamore, trois comédiennes jouent ces trois drames qui mettent en scène trois femmes meurtries qui, au bout de leurs souffrances trouveront la force de se soulever.
Dans le premier, en Corée du Sud où le couple s'est expatrié, une femme (troublante Evelyne Torroglosa) qui ne quitte pas la buanderie. Son mari qui veut percer un trou au mur pour y mettre une fenêtre va déclencher un cataclysme chez cette Lilith proche de Médée.
Dans le second, Léda Burdy (émouvante Frédérique Dufour), hôtesse d'accueil au sourire à toute épreuve, en permanence "chaleureuse, généreuse et cordiale" fidèle aux préceptes de l'entreprise Egon Framm se voit signifier qu'elle ne "correspond plus aux exigences du marché".
Le dernier, chorégraphique et charnel autour d'un tas de terre met en scène une jeune femme qui relate un amour interdit sur fond de battue en forêt. Interprèté magnifiquement par Lou Heyman, il est un upperccut d'une force inouïe.
Dans les trois monologues, la présence des éléments et de la nature est importante (le vent dans les arbres pour Lilith, le lac gelé et la neige pour Léda, la forêt et la terre pour la battue), rapprochant ces trois figures de l'universel et s'inspirant de la mythologie, pour en faire de vraies héroïnes modernes de tragédie. L'écriture circulaire de Magali Mougel vrille inlassablement les obsessions et les angoisses des protagonistes, décrivant leur lente agonie jusqu'au malaise.
La conception efficace de la bande-son (paysage sonore très prenant de Tony Bruneau), de la scénographie (Alexandra Ancel et Nicolas Marquet) ou des lumières (travail subtil de Natacha Boulet-Räber), sans oublier les émouvantes chorégraphies de Leonard Montecchia confèrent à ces trois lourds récits des ambiances particulièrement fascinantes et une éclatante beauté.
Dirigés avec sobriété et précision par Anne Zamore, les trois comédiennes dans des styles de jeu différents mais avec la même conviction donnent à ces poèmes contre l'oppression masculine une puissance peu commune qui ne faiblit pas, gardant le spectateur captif.
Avec "Guérillères ordinaires", Anne Zamore livre un spectacle résolument féministe dont la déflagration salutaire persiste bien après sa fin. |