Mary's Ideas : Umlaut Big Band plays Mary Lou Williams
(Umlaut Records) septembre 2021
Le nom de Mary Lou Williams (1910-1981) ne vous dit peut-être rien. Raison pour laquelle nous ne pouvons que remercier l’Umlaut Big Band, tout comme il l’a fait pour Don Redman, mais également pour Gene Gifford, John Nesbitt ou encore Will Hudson de redonner de la visibilité, et de très belle manière aux compositeurs - arrangeurs de la musique pour Big Band.
Sous la direction du saxophoniste Pierre-Antoine Badaroux, l’ensemble "à l’instar de la démarche des orchestres de musique ancienne, la recherche historique effectuée à partir de partitions rares et d’enregistrements, a pour fondement l’intime conviction que les arrangeurs, rarement mis avant dans l’histoire du jazz, sont des créateurs qui sans cesse inventent de nouvelles formes".
Mary Lou Williams donc. Et ce n’est pas n’importe qui. Enfant précoce, elle est capable à trois ans de rejouer d’oreille sur l’harmonium de sa mère les morceaux qu’elle entend. Elle est l'une des premières femmes afro-américaines musiciennes jazz professionnelles dans les années 1920. Compositrice, arrangeuse elle a traversé les époques et côtoyé les plus grands noms du jazz : Benny Goodman, Thelonious Monk, Louis Armstrong, Cecil Taylor, Duke Ellington, Buster Williams, Charlie Parker, Dizzy Gillespie...
Femme noire dans un monde d’hommes et dans une Amérique ségrégationniste, femme bafouée, spoliée (financièrement, musicalement) par d’autres musiciens ou producteurs, femme brute et sincère, Mary Lou Williams c’est une sensibilité, un caractère tranché (une intégrité à toute épreuve, capable de refuser de remonter sur scène si elle et son ensemble ne sont pas payés plus, de créer une fondation pour aider les musiciens en difficulté...), sa modernité et son envie de toujours évoluer marquent sa musique où l’on retrouve un sens du rythme, de l’harmonie et de l’orchestration avec une façon de faire sonner les cuivres (entre puissance et finesse) alors même qu’elle était pianiste...
En faisant un véritable travail ethnomusicologique en cherchant à l'Institute of Jazz Studies de Newark dans les archives personnelles de Mary Lou Williams, en enregistrant pour la grande majorité, ces morceaux pour la première fois le Umlaut Big Band considère l’œuvre de Mary Lou Williams comme un ensemble. Sont donc regroupées plusieurs périodes / thématiques : Studies in the blues, Kaycee, From prelude to Duke, 63 Hamilton Terrace, New bottle, old wine, Boogies, Zodiac suite, Eternal Youth.
La musique de Williams convient parfaitement aux couleurs, aux contrastes, aux dynamiques de ce très bel orchestre qui joue autant avec virtuosité qu’avec un plaisir totalement contagieux. Indispensable.