Le Petit Palais programme régulièrement des expositions monographiques inédites dédiées à des peintres peu connus du grand public, et ainsi en 2021, il présente l'exposition "Ilya Répine - Peindre l’âme russe", une rétrospective de l'oeuvre d'un peintre russe à la notoriété reconnue dans le cénacle tant institutionnel qu'intellectuel de son temps.
Formé à l'Académie impériale des beaux arts de Saint-Petersbourg, qu'il intégrera ultérieurement en tant que professeur et dont il assurera le rectorat, Ilya Répine (1844-1930) s'inscrit dans l'Histoire de la peinture russe comme figure majeure du mouvement réaliste.
Sous le commissariat de Christophe Leribault et Stéphanie Cantarutti, respectivement directeur du Petit Palais et conservatrice des peintures du 19ème siècle, et Tatiana Yudenkova en charge du département des peintures à la Galerie nationale Trétiakov, cette exposition prend le relais de celle précédemment présentée en 2019 en Russie à la Galerie précitée à l'occasion du 150ème anniversaire de sa naissance
Ilya Répine et la russité
De la monstration ordonnée en quatorze sections chronologiques se dégagent trois spécificités artistiques et stylistiques et une considération sur le positionnement de l'artiste.
D'une part, la prédominance du genre du portrait, avec des toiles regroupées en de véritables galeries sublimées par la scénographie immersive de Philippe Putman, traité avec un réalisme proche du vérisme d'autant plus novateur qu'il use d'une approche sensible et de poses non conventionnelles.
Et Ilya Répine officie dans tous les registres : l'autoportrait, le portrait intime, de sa famille, celui de son fils retenu pour le visuel de l'affiche, et de son cercle relationnel, d'anonymes figures plébéiennes comme celles de l'intelligentsia russe dont Moussorgski, Tourgueniev et Tolstoi.
Et du portrait de salon ("Portrait de la baronne Varvara") au portrait officiel des hommes politiques et de la dynastie tsariste, de la représentation du premier tsar le fameux Ivan le terrible Ivan le Terrible ("Ivan le terrible tuant son fils Ivan") et de la régente Sophie dans un singulier contexte ("La Tsarevna Sofia Alexeïevna au couvent Novodievitchi, au moment de l’exécution des streltsy et de la torture de ses serviteurs en 1698") au tsar en titre ("Portrait de Nicolas II").
D'autre part, la monumentalisation des scènes de genre avec une maîtrise de la construction polyphonique qui confine à la peinture d'histoire.
En effet, si sont présentées des scènes de genre intime avec une touche quasi impressionniste comme le tableau "Quelle liberté !" peint lors de son établissement en Finlande qui évoque certaines toiles du peintre danois Peder Severin Kroyer récemment à l'affiche du Musée Marmottan-Monet ("L'heure bleue de Peder Severin Krøyer"), les plus spectaculaires sont celles qui exaltent les coutumes et traditions populaires de l’ancienne Russie et le quotidien du petit peuple ("Les Haleurs de la Volga", "Procession religieuse dans la province de Koursk", "Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie", "Une soirée").
Elles s'inscrivent dans le traitement de la russité, synonyme d'âme russe, concept ou notion née au 19ème siècle et ressortant à une identité nationale teintée de religiosité et de symbolisme, également véhiculée par la littérature russe de l'époque.
Ce qui est conforme avec sa manière qu'il qualifie de réalisme populaire, sa conception de l'art ("L'art c'est la réalité") et sa finalité "(un art au service du peuple pour contribuer à son bonheur en lui révélant le sens de la vie").
Mais s'il célèbre le mouvement populiste des Narodniki et la liesse populaire suivant la révolution d'octobre 1905 ("Le 17 octobre 1905"), il réalise des oeuvres de commande du pouvoir tsariste en représentant le tsar en rassembleur du peuple ("Alexandre III recevant les doyens des cantons") et son gouvernement "éclairé" ("La Réunion commémorative du Conseil d’État du 7 mai 1901"), un "en même temps" pour le moins paradoxal sauf à considérer celles-ci comme implicitement ironiques.
A noter qu'il qualifiait son style de réaliste populaire ce qui l'érigera en précurseur du réalisme socialiste.
En préambule à la visite à regarder
en vidéo :
un diaporama de l'exposition in situ
la visite commentée de la rétrospective à la Galerie nationale Tretiakov en 2019 |