Parmi les titres de la rentrée littéraire de ce début d’année, j’ai été surprise de voir le nom d’Anne-Fleur Multon apparaître sur l’un d’eux. Autrice connue pour ses ouvrages en littérature jeunesse, notamment pour plusieurs publications chez Poulpe Fictions (La Revanche des princesses, la série Allô Sorcières) ou plus récemment pour son écriture à quatre mains en duo avec Samantha Bailly pour C’est pas ma faute (PKJ), cette année c’est chez les éditions de L’Observatoire qu’elle signe son premier roman destiné à un public adulte : Les Nuits Bleues.
Sur la couverture, la photographie évoquerait presque une peinture, la silhouette d’une femme nue semble courir vers l’horizon où le bleu du ciel nocturne rejoint celui de l’océan. Sobre et mystérieux, il se dégage de cet instant immortalisé une exaltation qui m’intrigue et me pousse vers cette lecture avant même d’en avoir lu le résumé.
Anne-Fleur et Sara se rencontrent lors d’une soirée. L’entente est immédiate et rapidement, elles se trouvent liées l’une à l’autre. Leur histoire se tisse au fil des messages échangés et alors que les restrictions dues au confinement de mars 2020 les empêchent de se voir, leur besoin d’être ensemble est tel qu’elles décident de les contourner pour enfin se retrouver.
D’abord déstabilisée par le style d’Anne-Fleur Multon, principalement par le manque de ponctuation qui tranche avec les codes plus académiques auxquels on est habitués et rend la structure même du texte singulière, j’ai fini par prendre goût à cette écriture à la fois très brute et poétique.
Récit d’une histoire d’amour survenue lors de la période la plus étrange vécue par notre génération, on y retrouve un rythme soutenu donné au roman, notamment, par des chapitres très courts qui s’enchaînent et poussent le lecteur à dévorer cet ouvrage d’un seul et même élan comme pour rappeler la manière dont le temps semblait s’écouler alors, mais aussi ce côté pressant de la relation naissante entre Sara et Anne-Fleur qui vivent en quelques semaines ce que d’autres vivent en plusieurs mois, voire plusieurs années.
Comme dans une longue lettre ou un journal intime, l’autrice partage des réflexions, sa découverte de l’autre, mais elle y retranscrit également des souvenirs, des échanges de messages, des discussions, des moments de vie qu’elle livre au lecteur avec beaucoup de sincérité et une spontanéité teintée d’une certaine frénésie enthousiaste, malgré l’atmosphère que j’ai perçue parfois tendrement mélancolique, probablement en échos à la période durant laquelle se déroule le roman.
Les Nuits Bleues est un texte d’une intensité poignante conduite par la passion. Aussi étrange soit cette expérience de lecture qui nous plonge directement comme spectateurs de l’intimité de la relation entre ces deux femmes dont l’histoire est bien réelle, il y a également dans l’urgence qui s’en dégage, dans cette plume viscérale, vive, sensuelle, ivre de l’évidence de cette passion, poésie parfois crue, une beauté indéniable qui n’a rien à envier aux romances de fictions.
A travers ce roman, Anne-Fleur Multon se met à nu pour crier son amour au monde entier et raconte de ses mots qui se bousculent, s’entrechoquent, s’entremêlent, comme une vague qui submerge et emporte avec elle, cette course effrénée vers la liberté. |