Spectacle conçu et mis en scène par Oriol Broggi, avec Laura Aubert Blanch, Guillem Balart, Xavier Boada, Marcia Cistero, Enrico Ianniello, Blai Juanet Sanagustin, Clara Segura Crespo, Montse Vellvehí, Joan Garriga, Maria Roch et Marc Serra.
En référence au film de Federico Fellini, "Huit et demi" (1963), Oriol Broggi a créé un demi-siècle après la sortie du film le spectacle "28 1/2", un spectacle qui se voudrait total.
On y danse, on y chante, on y lit des poèmes, on y interprète des scènes du répertoire, on y projette des extraits de films, on y pratique l'art équestre et la jonglerie et, surtout les acteurs y improvisent des scènes.
Une décennie plus tard, Oriol Broggi revient sur ce spectacle qui a été une date dans son processus de création. Evidemment, la part d'improvisation est beaucoup plus réduite puisque joué en italien, le spectacle est surtitré en français.
C'est sans doute pour cela que l'on a souvent le sentiment que les liaisons entre saynètes ne sont pas toujours évidentes, sont trop bavardes, voire poussives.
Ce qui devrait se succéder avec légèreté, perd en fluidité et si l'on saisit les intentions, qu'on devine qu'Oriol Broggi veut emporter le public crescendo vers l'émotion qui mène au final forcément attendu de la parade de "Huit et demi" avec la célébrissime musique de Nino Rota, on n'est pas toujours réceptif aux changements de perspectives proposés. On souffre de ne pas participer pleinement aux moments de poésie déclenchés, par exemple, par l'arrivée sur scène d'un magnifique cheval blanc.
Dès lors, on est un peu comme sur une montagne russe où alterneraient des moments forts suivis de quelques temps plus faibles. Il faut aussi dire qu'Oriol Broggi reste trop à la surface de Fellini et du cinéma en général. Parlant sans cesse de ce qui sépare la vie du théâtre, il n'a pas eu l'idée - par méconnaissance du film ? - de se servir du "Carrosse d'or" de Jean Renoir, pourtant servi par "La Magnani", qu'il préfère ici montrer dans l'extrait de "Rome ville ouverte" où elle reçoit une rafale de mitraillette.
Ce choix, c'est hélas le triomphe d'une cinéphilie très lacunaire. Même le cinéma italien, pourtant si riche pour un homme de théâtre, se limite à quelques poncifs attendus. Mais pas de Toto chez Pasolini, pas d'Alberto Sordi, pas de Monica Vitti et encore plus fâcheux pas de Sophia Loren. Reste le fantôme de Mastroianni puisqu'il joue le maestro dans "Huit et demi"), des Claudia Cardinale multiples en robe noire, une imitation de Vittorio Gassman, et un extrait de Roberto Benigni dans "La Vie est belle".
Il est à craindre que ces choix reflètent l'état de la mémoire cinématographique transalpine, les Italiens ayant perdu autant qu'Oriol Broggi le lien avec leur magnifique passé filmique.
Si l'on délaisse le fond, qu'on admet que "28 1/2" s'adresse principalement à des spectateurs qui ne connaissent pas le film et qu'on ne s'attarde pas sur les quelques longueurs dues principalement à la traduction, on pourra prendre du plaisir devant cette douzaine de comédiens et de chanteurs qui bondissent aux quatre coins d'un grand plateau pour donner le meilleur d'eux-mêmes et, au bout du compte, s'approprier pleinement l'attendue fin du spectacle, calquée sur celle du film de Fellini, où la vie d'un homme se résume à une parade clownesque, à la fois farce et tragédie, pleine de rires et de larmes, pour que chacun retrouve un instant le meilleur de son enfance.
Rien que pour cela, "28 1/2" atteint sa cible. |