Après Prague et Hambourg, et en collaboration avec la Galerie Nationale de Prague et le Hamburger Kunsthalle, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris présente l'exposition rétrospective "Toyen - L'écart absolu".
Elle est consacrée à l'artiste peintre tchèque Marie Cermínova (1902-1980) figure de l’avant-garde politique et artistique dans son pays et du surréalisme en son temps - et notamment à Paris où a séjourné à Paris pendant les Années Folles avant de s'y installer définitivement en 1947.
Comme elle demeure connue du grand public contemporain nonobstant l'exposition "Rétrospective Toyen : une femme surréaliste (Prague 1902-Paris 1980)" que lui a consacré au Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Etienne en 2002, les commissaires Annie Le Brun, écrivain, et Anna Pravdová, conservatrice à la Galerie Nationale de Prague, ont opté pour un parcours didactique.
Constitué d'un conséquent corpus d'œuvres picturales et graphiques, dont la quasi totalité sont détenues par des collectionneurs privés, il se déroule de manière chronologique et formalliser son évolution stylistique.
Toyen, une inquiétante étrangeté
Inscrite dans le tropisme contemporain de la féminisation de l’espace culturel et de la visibilité des artistes femmes, et, en l'espèce, dans l'actualité muséale internationale récente dédiée spécifiquement aux femmes surréalistes, la monstration reprend l'intitulé de la 9ème exposition internationale du Surréalisme en 1965 à Paris à la Galerie L'Oeil à laquelle participait Toyen, pour baliser son parcours considéré comme atypique et singulier.
Articulé autour d'un focus sur la constellation surréaliste avec notamment le portrait de profil d'André Breton inséré dans une superposition "ésotérique" de trois triangles exécuté par Toyen, il commence donc avec les oeuvres de jeunesse naviguant entre primitivisme naïf ("Café", Les Danseuses", "Les Avaleurs d'épée", "Le Cirque Conrado") et tentation géométrico-cubiste ("Fata morgana", "Nature morte cubiste", Plage").
Et elle s'achève avec la production des années 1966-1980 quand Toyen, sans abandonner la peinture ("Brumes de la solitude", "Le Paravent" retenu pour l'affiche, "Minuit,l'heure blasonnée'), privilégie le dessin, avec entre autres le cycle "Débris de mer" et le recueil "Vis-à-Vis", et le medium du collage et, en parallèle à ses créations, l'illustration de textes et recueils ("Sur le champ" d'Annie Le Brun) et la collaboration avec d'autres artistes comme Radovan Isvic pour lequel elle créé des masques pour un de ses opus théâtral.
Le coeur de l'exposition concerne les oeuvres des années tchèques des 1930-1940 avant l'installation de Toyen à Paris avec en introduction la conceptualisation, avec son compatriote le poète et peintre Jindrich Styrsky, de l'artificialisme, ressortant à une une proto abstraction lyrique résultant de l'hybridation figuration-abstraction et des paysages aux formes organiques ("Roches basaltiques", "Parc", "Oasis", "Paysage de lac", Fjords", "Lac de Côme")
Puis leur choix pour le surréalisme avec la co-fondation du mouvement surréaliste tchèque en 1934, année de réalisation de l'emblématique "La Femme magnétique" présentée dans une ligne temporelle ("L'homme de glu", "Dans le brouillard", "Spectre jaune", "Spectre rose").
Le coeur de la monstration s'ordonne autour de l'analyse des modalités conceptuelles et esthétiques de l'approche, de l'identification et de la représentation surréaliste de Toyen des forces primordiales et pulsions obscures et archaïques développées dans les années 1930 puis dans la période subséquente à la première guerre mondiale ("Les Lavandières de la mer", "Au visage bleu", "Si loin, si ancien", "La Belle ouvreuse", "Mélusine," La Dame blanche", La Visiteuse" et "Vertige" du cycle "Les Sept épées du fourreau").
Une représentation par la voie de la poétique et le prisme de l'érotisation, l'Eros et également son corollaire le Thanatos qu'elle traite lors de la guerre avec les grands cycles "Tir" et "Cache-toi,guerre !" et qu'elle préfigure dans les ensembles graphiques "Les Spectres du désert" et "Seules les crécerelles pissent sur les dix commandements" et qu'elle a préfiguré avec des toiles saisissantes ("Effroi", "Rêve", "La dormeuse", "Guignol","Les voix de la forêt").
Le champ d'interprétation des oeuvres, notamment ressortant au surréalisme, s'avère vaste et subjectif donc le visiteur appréciera en prenant le temps et le soin d'examiner de près et en détail chaque oeuvre de cette foisonnante rétrospective.
En préambule à la visite
à voir :
en diaporama in situ : l'exposition "Toyen" au Hamburger Kunsthalle de Hambourg
l'exposition "In Wonderland : The Surrealist Adventures of Women Artists in Mexico and the United States" au LACMA à Los Angeles en 2012
en vidéo :
la conférence "Toyen et Jindrich Styrsky à Paris 1925-1928 - Entre le poétisme et le surréalisme" de la commissaire Anna Pravdiva dispensée en avril 2021 à l'Institut Giacometti
la visite commentée de l'exposition "Fantastic Women. Surreal Worlds from Meret Oppenheim to Frida Khalo" à la Schirn Kunsthalle à Francfort en 2020 et la conférence de Ingrid Pfeiffer commissaire de l'exposition
l'exposition "Surrealism Beyond Borders" au Metropolitan Museum of Art à New York en 2021 puis à la Tate Modern à Londres en 2022 |