Spectacle conçu par Mirabelle Rousseau et Sarah Chaumette d'après le manifeste de Valerie Solanas et interprété par Sarah Chaumette.
Une tribune blanche avec un micro qui va servir plus ou moins avant d'être dans la position d'un sexe fatigué. Telle est l'unique décor imaginé par Jean-Baptiste Bellon. Et cela suffit amplement à Sarah Chaumette pour réveiller, une bonne cinquantaine d'années après ce grand moment de féminisme que fut le SCUM Manifesto. Le texte de Valerie Solanas en main, l'actrice vient du fond de la salle, tranquillement, en digressant, et surtout sans haine ni violence, rejoindre la scène où l'attend son pupitre et son micro. Mirabelle Rousseau n'a pas conçu ce moment comme une performance, un happening soixante-huitard mais comme la rencontre d'un texte fort et capital avec un public qui, s'il connaît l'histoire longtemps occulté de Valerie Solanas, s'attend plutôt à quelque chose qui se rapprocherait de la conférence de 1947 d'Antonin Artaud au Vieux Colombier. Mais non ! Valerie Solanas n'était pas folle, ni agitée du bocal... Ce n'est pas parce qu'elle a tiré le 3 juin 1968 sur l'"artiste " le plus controversé du vingtième siècle, l'as de la photocopie, le génie publicitaire Andy Warhol, qu'elle n'avait pas tout son sens commun pour écrire ce manifeste dont on aura dans la belle interprétation de Sarah Chaumette tout loisir de s'étonner de la modernité. Et l'on se demandera même si ce texte saisissant n'est pas encore à la pointe du combat puisque la radicalité de Valerie Solanas va jusqu'à nier l'intérêt pour les femmes de l'égalité économique. Elle voit la société patriarcale comme la forme ultime du capitalisme et veut donc l'éradication des deux. Hédoniste, elle hait la société des hommes, pas seulement parce qu'elle opprime les femmes, mais parce qu'elle fait du travail la valeur sacrée. Au moment où Gébé et ses compagnons d'Hara-Kiri Hebdo s'apprêtent à vanter "L'An 01", où l'on va tout arrêter, pour tout recommencer, Valerie Solanas est sur la même longueur d'onde utopique. En cinquante minutes, que l'on dégustera d'autant mieux si on approuve le contenu subtil et plein d'humour du Manifeste Scum, on aura entendu un texte essentiel, une utopie réaliste, qui s'en prend à tous ceux qui font du travail une valeur sacrée. On aura entendu et aussi vu une conférencière jamais outrancière qui ne caricature pas la pensée de l'autrice. On frémit en imaginant ce que des esprits malintentionnés auraient pu tirer comme effets comiques des propos volontairement excessifs de Valerie Solanas sur l'inutilité du genre masculin et de la reproduction. Après une campagne électorale où les discours n'ont guère pénétré ceux qui ont eu le courage de les écouter, on prendra enfin plaisir à entendre celui de Valerie Solanas. Un texte nécessaire, puissant que Sarah Chaumette rend limpide. |