La Monnaie de Paris propose un voyage au long cours dans les cinq continents au rythme des pratiques et croyances attachées aux usages monétaires avec l'exposition "Monnaies & Merveilles"
Une exposition que la commissaire Bérénice Geoffroy-Schneiter a conçu, comme elle l'indique dans sa note d'intention, comme "un gigantesque cabinet de curiosités" ordonné en un voyage tant géographique que temporel et culturel à travers les continents et les civilisations.
Et un parcours qui se déploie en sections thématiques correspondant à la polysémie de la monnaie, de l'usage au rituel en passant par l'ornement et le sacré voire la superstition et la symbolique sociale avec une sélection de deux centaines d'objets.
La monnaie de l'usage commercial au sacré
Le voyage annoncé s'avère également esthétique, pour le plaisir des yeux, avec les points et contrepoints en résonance avec l'architecture intérieure du lieu grâce à la superbe scénographie élaborée par l'architecte Pascal Rodriguez ainsi que l'occultation des fenêtres par la reproduction de portraits d'archives instaurant un dialogue muet avec les vitrines.
Et ce dès l'entrée par l'immense espace à colonnades du salon Dupré avec sa structure tubulaire en huit rappelant la forme d'une des six pièces majeures réunies, la "Monnaie de mariage teau" des Îles Santa Cruz.
Et elle trouve son point d'orgue dans la salle aux boiseries devenue vitrine de haute joaillerie dédiée aux monnaies érigées en bijoux
pour laquelle la commissaire, historienne de l’art spécialisée dans la symbolique du bijou et la parure non occidentale, a sélectionné un florilège de parures exceptionnelles de toutes origines, dont le collier berbère reproduit sur l'affiche, d'une beauté et d'une modernité stupéfiantes qui inspireront sans doute les futurs créateurs comme ce fut le cas pour les célèbres maisons telle Cartier avec la ceinture en disques de jade gravé datant de 1930.
Certaines comportent une inclusion de textile que la section "Fééries textiles" explore avec notamment des coiffes et des robes de fête de tous horizons ornées de monnaies, du gilet d’apparat d’un janissaire macédonien aux coiffes palestiniennes, représentation ostensible tant de l'appartenance tribale que du rang social.
Si les thématiques retenues sont universelles et permettent la mise en regard de pièces de différents continents, deux se déclinent dans des salles spécifiquement dédiées.
En premier lieu à l'Afrique qui rend hommage à la maîtrise et la créativité des forgerons-artistes souvent anonymes, célébrée dans l'exposition "Frapper le fer" au Musée du Quai Branly en 2019, avec des collections de lames de valeur faisant office de monnaie pour les transactions commerciales et matrimoniales pour constituer la dot, les bracelet-monnaie de Côte d'Ivoire, la monnaie en forme de couteau de jet de Centrafrique ou de lance au Congo et les bouquets de serpents du Nigéria.
La seconde exception concerne l'Océanie avec la grande vitrine courbe d'une des salles qui reçoit les objets composés de matériaux autres que la monnaie au sens classique de pièce métallique qui revête un aspect ornemental comme un pectoral de Mélanésie fait d'une valve d'huître et de nacre, les rouleaux de plumes ou de coquillages des Iles Salomon et les bracelets-monnaies en écaille de tortue.
La pratique du mélange de matériaux locaux est également souligné dans la salle dans la salle consacrée aux magnifiques monnaies mélanésiennes "talipun" constituée d'un masque tressé en fibres végétales, à la signification rituelle, fixé à un coquillage géant.
Les monnaies sont parfois investies d'un pouvoir sacré ressortant à la croyance qui peut se manifester de manière détachée du spirituel avec
son utilisation triviale comme truchement pour la divination notamment dans les fêtes foraines avec les automates qui délivrent la bonne aventure, tels ceux présentés avec les officiants "Sabrina" et "Jurhmah", et les boîtes divinatoires du début du 20ème siècle sur lesquels se clôt en forme de clin d'oeil cette magnifique et passionnante exposition.
A voir également en extérieur dans la cour d'honneur de la Monnaie de Paris,
conçue spécialement pour l'évènement, la création contemporaine de la designer Bina Baitel qui revisite, à la kitschissime manière koonsienne, le rituel de la fontaine à voeux décliné en monumentale structure gonflable de couleur dorée.
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