Quand on cherche la traduction de The Gearing Machine, on trouve "machine à engrenage" - et il est vrai que cette machine nous a séduits tant sa mécanique est fluide et bien huilée. Mais on trouve aussi "machine à engranger" et cette interprétation va tout aussi bien à cet excellent album.

Ces 7 titres nourrissent notre imagination même encore après la fin de leur écoute, des extraits qui nous restent en tête, des mélodies et des images. Pour l’anecdote : j’écoutais cet album pendant la rédaction de la chronique quand un de mes fils est arrivé – 11 ans – et s’est arrêté. On dirait du cinéma ! C’est une musique de film ? Et il commence à me décrire ce qu’il imagine… Et je crois que ce qui m’a fait le plus plaisir, ce n’est pas tellement son imagination débordante que cette certitude : les musiques et les chansons qui dépassent les différences de goût et d’âge ont un supplément d’âme – et j’y vois là une marque de qualité.

Depuis plus de 10 ans, Shubni (Erwan Delaune) promène sa pop folk subtile et classieuse. Il est anglophile, maîtrise l’écriture de cette langue et sa culture. Il est aussi un excellent musicien, aussi bien dans la composition que la maîtrise notamment de la 6 cordes. Sur son site, dans la partie bio, voilà ce qu’on y lit : "En guise de formule définissant le style Shubni on pourrait imaginer la mélancolie d’un Nick Drake sous amphétamines, combinée aux arpèges hispanisantes d’un Robbie Krieger chevelu, le tout saupoudré de la folie de Mud Flow ou du Pavement période Brighten the corners". Ça donne une idée de ce qu’on va écouter… mais si on ne connaît pas ces références, ce n’est pas grave, il suffit d’écouter ce superbe troisième opus, The Gearing Machine qui nous a enchantée.

La production et la prise de son / mixage sont remarquables : bravo Sylvie Lacheray (Audiomate studio) qui a également participé aux arrangements et apporté ses immenses talents de musicienne (basse, claviers, guitares, programmation...). On y retrouve aussi Claire Pedrazzoli aux voix, Guillaume Lebon à la batterie et glockenspiel et Vincent Cailly au violoncelle. Shubni a toujours su très bien s’entourer (rappelons sa collaboration avec une autre artiste de talent, Pauline Denize ou encore avec Gaëtan Le Calvez (Zero K)).

Tout est finement ouvragé dans cet album, les voix, les compositions, l’interprétation (notre titre préféré est "Beast and animal" qui résume à lui seul toutes les qualités de cet EP : arrangements subtils, énergie, accords des voix et originalité). Ces 7 titres nous portent, nous ensorcellent et nous emportent comme dans les contes. Les dessins et les clips y contribuent aussi.

La pochette est réussie avec les visuels de Jean-Noël Criton (clips pour Dominique A). Laissez-vous embarquer par les superbes clips : "The Fairs" et "Beast and animal". Dans un échange avec lui, Shubni me parlait de cette "musique de film" : "Cela se passe dans l’au-delà et c’est ce qui nous attend quand nous franchirons le tunnel en barque. Le plaisir de retrouver toutes les formes de vie que nous avons croisées ou que nous croiserons dans nos incarnations futures. Encore faut-il avoir envie de rejouer à la Machine aux Engrenages, car elle est très facétieuse. (…) On a voulu faire quelque chose d’onirique, doux, sans gravité, accessible à tout âge, sans arrières pensées sérieuses tristes ou mélancoliques, mais beau, tendre, pleins de songes et de références à nos années de jeunesse nous les cinquantenaires. J’espère qu’on a réussi".

A coup sûr ! Souhaitons-lui de faire découvrir son ciné spectacle en Normandie et ailleurs ! Rendez-vous au cinéma le Studio au Havre le dimanche 30 octobre pour deux représentations. Le cd "physique" est disponible par mail (shubni@neuf.fr) ou aux magasins Le Local Shop et A la Bande Artisane au Havre.