C’est aussi la rentrée du côté des publications des livres d’Histoire et je dois bien avouer qu’une fois encore, je n’ai que l’embarras du choix pour mes lectures. Ne pouvant évidemment pas tout lire, à mon grand désarroi, je m’engage vers les publications qui m’intéressent le plus, qui égayent le plus ma curiosité aussi.
Parmi mes choix effectués, je me suis alors retrouvé en compagnie du gros pavé proposé par Jean-Luc Leleu, consacré à la Wermacht face au débarquement. Après avoir lu il y a quelque temps l’excellent ouvrage de Benoît Rondeau intitulé Etre soldat de Hitler, la lecture de Combattre en dictature s’est avérée être parfaitement complémentaire et très passionnante.
Avec cet ouvrage, Jean-Luc Leleu souhaite porter un nouveau regard sur la Wehrmacht à son crépuscule. Il entend explorer le fonctionnement global de la Wehrmacht face au spectre de la défaite. Il s'agit de comprendre les acteurs plutôt que raconter les événements.
Pour y parvenir, il explore le fonctionnement de l’armée allemande pour préciser les attitudes politiques et les comportements des hommes qui la composaient. Il fait le choix d’étudier les forces armées allemandes au prisme de la bataille de Normandie à l’été 1944 : une confrontation qui a vu quelques 640 000 hommes soldats du Reich s’opposer pendant douze semaines à près de 2 millions de soldats alliés.
Son ambition n’est pas de nous faire le récit d’une bataille mais de nous proposer un travail d’histoire sociale appliquée à la guerre. Pour lui, l’histoire militaire doit se comprendre comme une histoire de la société en guerre. Loin des images de propagande et des récits laissés par les anciens chefs militaires, l’ouvrage cherche donc à comprendre les acteurs plus qu’à raconter les évènements.
L’ouvrage débute par des repères chronologiques de la bataille pour ensuite se découper en une dizaine de parties. L’absence de stratégie du côté allemand est analysé avec un état des lieux de l’armée allemande au printemps 1944 dans un premier temps. Vient ensuite un chapitre consacré à la guerre de l’ombre, aux renseignements allemands mais aussi à la faiblesse culturelle de l’armée allemande. On comprend mieux que disposer d’une information n’est utile que si elle transmise au moment opportun aux responsables.
Un chapitre est consacré aux hommes, aux effectifs de l’armée allemande constituée d’unités aux profils disparates avec des recrutements beaucoup moins sélectifs qu’en début de guerre. Cela aura évidemment des conséquences physiologiques mais aussi un niveau d’intelligence plus faible. L’armée est aussi rapidement confrontée à une pénurie de cadres.
Une partie particulièrement intéressante est consacrée au Six juin, portant un autre regard sur ce jour J. Cette partie est accompagnée de cartes éclairantes sur les différents groupes engagés ce jour-là. L’ouvrage se poursuit ensuite par un chapitre traitant de la bataille à travers ses morts, les pertes militaires étant souvent invoquées pour déterminer le vainqueur et le vaincu. Ici, on se rend compte que les Allemands ont été incapables de disposer d’informations fiables sur leurs pertes humaines. On comprend parfaitement "ce que nous disent les morts", comment on peut appréhender une bataille par la voie des cimetières militaires. Cette bataille fut au final particulièrement meurtrière chez les individus les plus jeunes.
L’ouvrage interroge aussi le consentement au sacrifice et les limites de l’obéissance au sein d’une institution militaire qui fut l’instrument de la guerre hitlérienne ; il aborde aussi la place du mensonge nécessaire pour concilier les injonctions du haut commandement avec la réalité du rapport des forces sur le terrain. Il revisite aussi les illusions et les espoirs sans cesse recomposés des soldats pour tenir en dépit des conditions de lutte très défavorables.
Alors voilà, cet ouvrage de Jean-Luc Leleu est excellent, du début à la fin, il est d’une grande originalité dans sa démarche, particulièrement novateur dans ses méthodes d’analyse et tout simplement passionnant dans sa lecture. C’est sûrement maintenant un ouvrage référence sur le sujet qu’il traite. |