Monologue dramatique écrit et interprété par Vincent Chappet.
Avec "Naïf. Super." le comédien et auteur Vincent Chappet s'inscrit de manière singulière, et particulièrement remarquable, dans la jeune scène contemporaine avec un opus qui se distingue à plusieurs titres.
En la forme par une écriture de qualité en langue française qui n'est ni vernaculaire ni la retranscription d'une certaine oralité contemporaine et la maîtrise dramaturgique d'un monologue complexe avec une partition à tiroirs propice à susciter tant l'intérêt que la curiosité voire la perplexité du spectateur.
Et au fond, en s'inscrivant dans un genre théâtral et un registre atypiques, celui du récit épique et héroïque d'un (anti)héros en quête de mythologie personnelle, tel un avatar de l'Ulysse au milles ruses, sur toile de fond de thématiques afférentes à l'écrit, au livre, à la nourriture spirituelle dans une société lobotomisée et à la fonction mémorielle de la bibliothèque qui renvoie à de tragiques épisodes historiques tels leurs destruction délibérée et les autodafés.
En adresse au public, un jeune adulte volubile à l'air facétieux raconte sa mort ou plutôt une supercherie, celle de la mise en scène de sa mort à l'occasion d'un événement impromptu, celui de l'incendie d'une bibliothèque qu'il fréquentait. Comme il se qualifie parfois d'enfant, semble se profiler une farce, certes macabre, puis l'hypothèse d'un évaporation, ce phénomène contemporain de disparition volontaire pour se ré-inventer ailleurs.
Mais dès lors qu'il ne quitte pas les abords du domicile familial en se réfugiant dans l'entrepôt désaffecté d'une grande enseigne internationale de commerce en ligne, qui a débuté par la vente de livres, dont le nom commence par un A majuscule et empruntant le nom de la célèbre émission télévisée de Bernard Pivot, un doute s'insinue, notamment sur la tangibilité, sinon réalité, des faits recensés.
Et le doute perdure car soutenu par la légèreté narquoise et ambigue du protagoniste et sa logorrhée de réflexions, soliloques de critiques sociétales. Serait-ce un délire décompensatoire ? Une immersion dans une fiction dont il serait le "game master" pour tester la réaction de ses proches qu'il qualifie de "mes gens" ? Voire d'autres scénarios possibles.
Au jeu, éclairé par Eliah Ramon dans un décor sommaire de cartons, Vincent Chappet délivre efficacement son opus ulysséen truffé de chausse-trappes et de masques.
Assurément de quoi exciter les petites cellules grises du spectateur. |