Réalisé par Patricia Mazuy. France. Drame/Thriller. 1h54 (Sortie 26 octobre 2022). Avec Arieh Worthalter, Achille Reggiani, Y Lan Lucas, Leïla Muse, Frédéric Van Den Driessche et Olivier Faliez.
Quand on cherche des réalisateurs ayant fait œuvre originale dans le cinéma français, on est vite à cours de noms. Il est peut-être temps de regarder du côté réalisatrices...
Et c'est là, à l'occasion de la sortie de son neuvième film, ciné et télé confondus, que surgit le nom de Patricia Mazuy.
Elle avait, en 1988, frappé un grand coup avec un long métrage inclassable, "Peaux de Vaches", avec Sandrine Bonnaire face à deux hommes en roue libre, Jean-François Stévenin et Jacques Spiesser.
Plus de trente après, avec en prime une rétrospective à la Cinémathèque française, Patricia Mazuy revient avec un film de la même veine, d'une intensité supérieure vue le sujet.
Cela signifie pas que le reste de sa filmographie ne compte pas, notamment par son éclectisme. De "Saint-Cyr" à "Sport de filles", en passant par "Paul Sanchez est de retour !", difficile de croire que c'est la même signature qui est responsable de ses films si différents.
En s'attaquant maintenant au "thriller", elle surprend encore. Car la traque d'un serial killer par un policier un peu au bout du rouleau, pas très bien dans son look mal rasé mal habillé, ça ne semble pas d'une originalité folle sur le papier.
Mais "Bowling Saturne" de Patricia Mazuy n'est pas un film policier de plus. Ce que la réalisatrice lui apporte tient à l'intensité qu'elle met dans chaque plan, pouvant même aller très loin, certains diront trop loin, avec un meurtre filmé avec une violence crue difficilement supportable.
On rassurera ceux qui seraient tentés de quitter la salle à ce moment-là : les meurtres suivants seront plus elliptiques, celui-là devenant paroxystique parce qu'il s'agit du premier, celui où le tueur en série comprend qu'il va désormais en commettre d'autres, qu'il va laisser se déchaîner sa pulsion de mort.
Apparemment, il y a peu d'éléments dans ce film : un père mort, deux frères que tout oppose, un lieu de tension entre eux, et une atmosphère de "nuit des chasseurs" qui amplifie cette tension. Cela suffit à Patricia Mazuy pour construire un polar très noir qui mérite vraiment l'adjectif "crépusculaire".
Evidemment, outre la prestation attendue du toujours solide Arieh Worthaler, on attend beaucoup de celle d'Achille Reggiani, fils de Patricia Mazuy. Il compose un psychopathe qu'on n'oubliera pas de si tôt.
"Bowling Saturne" de Patricia Mazuy a l'efficacité de certains polars asiatiques. Elle allie étrangeté et trivialité dans une furie visuelle assez fascinante, proche du baroque et loin de tout réalisme. Une date. |