Réalisé par Emérance Dubas. France. Documentaire. 1h11 (Sortie 23 novembre 2022).
On se souvient de "Philomena", le film émouvant de Stephen Frears qui contait comment les filles-mères étaient traitées dans la Grande-Bretagne d'avant et d'après-guerre dans les institutions catholiques agrées pour les "accueillir".
Avec le documentaire d'Emérance Dubas, "Mauvaises filles", on va découvrir quel était le sort des filles dites 'perdues", pas forcément aux filles-mères, en France, à la même époque.
Dans un pays qui avait pourtant coupé le cordon ombilical avec l'Eglise catholique en 1905, et à la différence des garçons en difficulté qui, eux, étaient regroupés dans des internats publics, elles étaient confiées à une institution dirigée par des Bonnes Sœurs, "Le Bon Pasteur".
Ce qu'on va d'emblée découvrir dans ce documentaire absolument nécessaire, c'est qu'au moment où l'on était en pleines "Trente glorieuses", des jeunes filles devenues orphelines ou manquant d'amour au point que leurs familles les déposaient là, étaient encore livrées à des religieuses qui les considéraient comme des détenues dangereuses, punies et humiliées à la moindre "faute" et pouvant même subir des traitements dégradants, voire des punitions confinant au sadisme.
Ce qui surprendra c'est que la "dernière génération" des victimes du Bon Pasteur qui témoigne devant la caméra d'Emérance Dubas ont une soixantaine d'années. Elles ont donc une quinzaine d'années dans les années 1960 ou 1970, date à laquelle cette manière d'un autre temps de s'occuper de la jeunesse féminine en difficulté a été supprimer.
Pas la peine de répéter ce que disent ces femmes marquées à vie par un tel début dans la vie, elle le font elles-mêmes avec force et dignité. On aurait envie de leur demander pardon pour tous ceux ou toutes celles qui n'ont jamais eu pour elles que des mots durs et des actes mesquins.
Ces femmes qui témoignent sont hélas les "rescapées" d'un système qui en mena plus d'une à la prison, à la prostitution, l'alcoolisme, au suicide et à des vies aussi misérables que l'enfance à laquelle elles eurent droit. On les devine se jetant dans les bras d'hommes pas plus recommandables que leurs gardiennes, battues ou méprisées.
Rien qu'en filmant ses pensionnats qui avaient plus l'air de lieux de rétention, la réalisatrice n'a pas besoin d'utiliser de mots pour qu'on saisisse la dureté inique de la vie de ces jeunes filles dont la jeunesse s'est éteinte aussitôt franchi le seuil de ces bâtiments sentant la tristesse et la mort.
Sans tomber dans le mélo morbide, le lyrisme de la misère, "Mauvaises filles" d'Emérance Dubas fait connaître une réalité qui fut celle de milliers de "filles perdues".
Celles qu'elle a fait parler donnent à son film, peut-être un peu court, la légitimité d'un réquisitoire contre une société française trop longtemps livrée à des gens sans cœur, ces ignorants qui veulent toujours élever des murs de prison plutôt que de comprendre les cris de ceux qui appellent au secours. |