Conte dramatique de Philippe Minyana, mise en scène d'Alexandre Horréard, avec Louise Ferry et Clémence Josseau.
Ces dernières années, "La Petite dans la forêt profonde", le conte de Philippe Minyana tiré d'une des "Métamorphoses" d'Ovide ayant pour héroïnes Philomèle et Procné, a été souvent adapté.
Ce conte particulièrement cruel, où l'on coupe les têtes, les langues et où le cannibalisme et l'inceste - les deux tabous des sociétés civilisées - sont au cœur du drame, marque forcément les esprits.
La version élégante qu'en propose Alexandre Horréard avec Louise Ferry et Clémence Josseau, deux jeunes actrices parfaites dans la fausse innocence, est une vraie réussite.
Tout débute autour d'une table équipée d'un micro : deux jeunes femmes s'affairent avec différents objets pour enregistrer les bruits qu'ils font. Ainsi, un sac que l'on froisse, un livre dont on tourne les pages à grande vitesse servent aux deux bruiteuses. Etape liminaire avant qu'advienne le drame fantastique digne d'un film gore, où l'on verra les deux visages juvéniles couverts d'un sang royal...
Quand leur parole s'élève pour qu'elles prennent en main la narration du conte mythique, tout semble d'abord délicat et poétique. Mais surprises par les horreurs qu'elles découvrent ou entrevoient, les voilà gagnées par un sentiment d'effarement, prémisse pour qu'à leur tour elles soient remplies d'esprit de vengeance.
Alexandre Horréard illustre sans sombrer dans le Grand-Guignol les mots de Philippe Minyana. Tout est elliptique. Le sang est réel mais nul besoin d'un baquet où la reine et sa sœur "à la langue manquante" plongeraient les mains pour entrer dans cette danse meurtrière.
On se souviendra autant de la beauté d'un texte simple que de la simplicité de l'action que le metteur en scène leur donne à entreprendre. S'enduire leur visage d'hémoglobine, avoir une sur la tête des couronnes au nom du roi et de la reine, sur lesquelles sont déposées quelques traces de sang, tout cela pour que bientôt, elles redeviennent oiseaux...
En une heure, le mythe de Philomèle et Procné sort de l'anonymat pour prendre rang parmi les principaux de l'ère romaine laissant le spectateur subjugué par l'étrange récit qui l'a emporté avec douceur vers des torrents de haine qui semblaient inimaginables quelques dizaines de minutes plus tôt.
Un texte de Philippe Minyana qui montre comment sa palette littéraire est d'une grande richesse et pourquoi il est un des dramaturges contemporains les plus joués.
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