Comédie dramatique d'Eduardo De Filippo, mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota, avec Serge Maggiani, Valérie Deshwood, Marie-France Alvarez, Cèline Carrère, Jauris Casanova, Sandra Faure, Sarah Karbasnikoff, Stéphane Krahenbuhl, Gérald Maillet, Isis Ravel et Pascal Vuillemot.
"La Grande Magie" constitue un opus ontologique du dramaturge Eduardo de Filippo, figure emblématique du théâtre populaire réaliste italien du 20ème siècle sur le mystère de la vie, le principe de réalité et le rapport au temps.
Ressortant au genre de la fable burlesque instillée de fantastique, il illustre sa conception de la vie comme étant un jeu ayant besoin d'être soutenu par l'illusion ce qui se traduit au niveau individuel par le simulacre autofictionnel.
Et ce avec pour argument une situation vaudevillesque se déroulant dans une villégiature balnéaire qui se nove en drame métaphysique en double résonance avec l'assimilation caldéronienne de la vie au songe et le subjectivisme pirandellien de la vérité.
Ainsi pour camoufler en spectaculaire disparition sa fuite avec sa maîtresse (Marie-France Alvarez) un mari infidèle (Jauris Casanova) mandate à cet effet un magicien de second ordre (Serge Maggiani) aidé de sa pragmatique partenaire (Cèline Carrère) et d'acolytes en charge de sa publicité (Gérald Maillet, Stéphane Krahenbuhl et Isis Ravel).
Et si l'épouse (Valérie Deshwood) ne semble pas totalement convaincue par la duperie manifeste, elle s'accommode du discours pseudo-transcendal du prestidigitateur se déclarant doté d'un troisième oeil comme stratégie de détournement de l'impact intime de l'échec amoureux et du déni.
La scénographie esthétisante d'Emmanuel Demarcy-Mota avec la collaboration d'Yves Collet également signataire avec Christophe Lemaire des judicieuses et efficaces lumières crépusculaires et la lancinante nappe sonore d'Arman Mélies instaurent une irréalité troublante d'outre-monde qui emprunte tant à la mise en abîme du théâtre qu'à à la représentation d'un espace mental.
Sous la direction rigoureuse d'Emmanuel Demarcy-Mota, qui ne verse ni dans le réalisme ni dans le théâtre d'incarnation, les comédiens de de la troupe du Théâtre de la Ville, ceux précités accompagnés de Sandra Faure, Sarah Karbasnikoff et Pascal Vuillemot, dispensent de manière émérite cette réussie fantasmagorie. |