Comédie dramatique de Julie Ménard, mise en scène de Maëlle Poésy, avec Benjamin Bécasse-Pannier et Mathilde-Edith Mennetrier.

C'est dans une disposition quadri-frontale que Maëlle Poésy a mis en scène le texte "Inoxydables" de Julie Ménard. Dans ce carré où les deux jeunes acteurs se déplacent autour du public, quelques instruments de musique sont regroupés.

Sil (Benjamin Bécasse-Pannier) est le bassiste d'un groupe que Mia (Mathilde-Edith Mennetrier) vient écouter. Alors que le bassiste n'est pas celui qui attire le regard des spectatrices, Mia, au contraire, remarque Sil.

"Inoxydables" commence par une histoire d'amour. On est dans un pays indéfini, mais on y joue du rock et l'on peut ainsi supposer que l'on est au cœur d'un pays occidental. Mais des événements graves parcourent le pays imaginaire où vivent Mia et Sils.

Un danger latent se précise au point qu'ils vont devoir partir, emportant les économies de leurs proches pour pouvoir payer les passeurs qui vont leur faire gagner un monde meilleur. Sils et Mia sont désormais des migrants et on ne les verra plus désormais comme des rockers occidentaux.

Ce mouvement de bascule est fondamental dans le texte écrit par Julie Ménard. Il déstabilise la vision que l'on avait au départ des personnages, mais ils restent pour le jeune spectateur qui a suivi leur histoire de cœur qui en fait un couple des personnages auxquels il peut s'identifier.

Au départ, le cœur de cible de Julie Ménard et Maëlle Poésy était les élèves des lycées où était joué "Inoxydables". Pour les intéresser aux problèmes des migrants, et leurs périples épouvantables où ils risquent à chaque étape leur vie ou leur liberté, elles ont usé de ce subterfuge : gommer les différences entre ceux qui vivent en Occident et ceux qui rêvent d'y vivre à leurs risques et périls.

Et cela fonctionne au point qu'on ne voit aucun problème de vraisemblance dans les personnages présentés. On les suit, sacs au dos, mimer ce parcours du combattant qu'on ne cesse de raconter pour entrer dans l'espace européen, avec possibilité permanente d'être arrêté par la police qui ramène à la cade départ, avec de graves dangers pour traverser les déserts, franchir les mers.

Ecrit en "français facile", "Inexorables" est un texte efficace joué avec conviction par deux jeunes acteurs représentatifs de leur génération.

On sera peut-être plus indulgent que d'ordinaire à un moment où être à l'écoute de l'autre, vouloir l'aider, faire preuve de compassion, voire de générosité, n'est plus à la mode. "Inexorables" est une réponse aux discours haineux entendus ces dernières années. On pardonnera les quelques naïvetés inhérentes au parler jeune et l'on s'inscrira en faux contre ceux qui trouveront qu'on reste sur le terrain de la "bonne conscience".

"Inexorables", au contraire, a trouvé une manière originale d'évoquer frontalement la question des migrants et d'impliquer les jeunes occidentaux qui ne se sentent pas directement concernés.

Un texte utile pour un spectacle qui ne peut laisser indifférent à la fois les plus jeunes et tous les autres.