Comédie dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Charles Bukowski écrite et mise en scène par Gaël Leveugle, avec Charlotte Corman, Julien Defaye, Pascal Battus et Gaël Leveugle.
Trivialité, poésie, alcoolisme, tels pourraient être les trois lois qui règlent les nouvelles de Charles Bukowski, "vieux dégueulasse" qui hante toujours les mémoires de ceux qui l'ont lu et qui l'ont vu éberlués, un vendredi soir en direct, dans un "Apostrophes" de légende.
Gaël Leveugle lui rend un hommage sincère et iconoclaste dans "Un homme". On y retrouve une femme, Constance (Charlotte Corman), qui rejoint George (Julien Defaye) dans son univers sordide. Comme souvent dans l'univers bukowskien, la femme préfère un clochard, forcément céleste, à son bourgeois d'époux, à son cauchemar climatisé et à sa bandaison aléatoire.
Whisky en main, cigarette au bec, longue barbe fourni et costume cravate qui a pu appartenir jadis à un croque-mort, George sait ce que son mari ne sait pas faire : "donner du bonheur à une femme". Mais tout cela suffit-il à rendre heureux une femme et un homme.
Dans un décor pourri, où un canapé suffirait aux deux "amants", on découvre du superflu et du saugrenu... Par exemple, une échelle et son corollaire, un gros matelas pour amortir les plongeons du haut de l'échelle. Tout patine, tout se répète, rien ne progresse. Constance parle des pannes sexuels de son mari, George ressasse sur la beauté des jambes des femmes, et particulièrement sur celles de Constance.
Au fond de la scène, assis dans l'ombre, derrière une table-établi, un homme (Pascal Battus) manipule des sons au gré de ses envies et pour établir une ambiance.
D'un côté, on a donc un couple dans une scène qui n'aboutit à rien et semble prêt à se répéter peut-être éternellement, de l'autre un improvisateur aux manettes d'une étrange table de travail ainsi qu'un personnage qui se transforme au gré de l'action-inaction. C'est Gaël Leveugle lui-même. Danseur épileptique, récitant de poèmes de Bukowski, homme-à-tout faire dans une ambiance électrique ou dans un silence hargneux.
Ici l'univers de Bukowski prend vraiment forme et se confronte à celui de Gaël Leveugle. On sent profondément qu'il y a des correspondances entre les deux artistes mais on ne sait qu'en conclure...
Si l'on est raisonnable - mais est-ce vraiment la bonne attitude ? - on se dit qu'il est impossible de décrypter tous les fantasmes et toutes les obsessions de Gaël Leveugle à la première rencontre. Non, il faut humer son étrangeté. L'odeur n'est pas désagréable et l'on devine que tout, ici, est pensé et assumé.
Quand on en saura plus, on devrait davantage réagir à sa poétique et en tirer davantage de profit esthétique. En tout cas, on relira Bukowksi et on reviendra aux spectacles de Leveugle. |