Petit bijou de lecture que cet ouvrage d’une auteure que je ne connaissais pas, Stéphanie Dupays, avec de nouveau une belle publication des éditions de l’Olivier. Petit bijou de lecture avec ce superbe titre, Un puma dans le cœur et avec des titres de chapitres aussi somptueux les uns que les autres comme "le silence est notre langue maternelle", "tu sais que c’est l’obscur de ton corps qui se guérit", "déchire la peau des mots" ou bien encore "car la vie reprend même sur des sols inhabitables".

C’est un roman qui mêle fiction et récit personnel que nous propose Stéphanie Dupays, l’histoire d’une femme, Anne Décimus, née à la fin du 19ème siècle qui n’est autre que sa grand-mère, une véritable légende dans sa famille.

Une légende qui dit qu’elle serait morte de chagrin, le cœur brisé après la mort de son époux. Anne Décimus aurait suivi son mari dans la mort. Pourtant, la vérité est bien ailleurs car celle-ci est décédée plusieurs dizaines d’années après son époux.

L’étrange proximité que l’auteure ressent avec son ancêtre va la pousser à mener l’enquête. Elle découvre un secret qui fait vaciller ses certitudes. Anne Décimus a passé la majeure partie de sa vie dans un asile, elle est bel et bien décédée quarante ans après la date que tous pensaient officielle. Une question se pose alors : comment l’existence de cette femme a-t-elle pu être effacée au point que même les siens ignorent tout d’elle ?

Avec cet ouvrage, l’auteure s’interroge donc sur les secrets de famille, sur la manière de les raconter. Elle nous montre comment une famille réussit à les refouler et les conséquences sur sa propre existence.

Elle nous embarque en même temps dans le monde psychiatrique au travers de l’histoire de ces hôpitaux, que l’on a tendance à appeler Asile pour nous permettre de bien appréhender les conditions de vie des personnes qui y sont internées car elles souffrent de maladies mentales souvent complexes.

Une complexité que se répercute au final sur l’organisation de ces services, sur leur ambivalence et sur leur rôle. Elle s’interroge sur le fait de savoir qui est réellement protégé dans ces structures : le patient qui n’arrive pas à s’insérer dans une société ou bien la société qui ne peut pas prendre le risque de laisser ces malades mentaux en liberté. La frontière entre l’hôpital et la prison est souvent très proche quand on analyse comme l’auteur le système psychiatrique français.

Un puma dans le cœur raconte donc un cheminement intime vers la compréhension et la reconquête d’un héritage. En sondant les liens et les malentendus qui unissent ou séparent les êtres d’une même famille, ce sont nos failles originelles que ce roman bouleversant interroge. Avec cet ouvrage, Stéphanie Dupays redonne une voix à une femme extraordinaire qui ne savait pas comment supporter le monde et qu’on a réduite au silence. Elle prouve que la littérature peut apaiser les fantômes.