Un petit nouveau vient d’arriver le mois dernier dans la collection "Les feux" des éditions de l’Olivier avec l’ouvrage Un paradis en enfer de Rebecca Solnit. Rebecca Solnit est une des intellectuelles américaines contemporaines les plus influentes. Son œuvre est en cours de publication aux éditions de l’Olivier avec notamment cet ouvrage qui a été écrit en 2010, toujours d’actualité.
Quand on lit Un paradis en enfer, on y voit l’une des réponses les plus intelligentes aux questions angoissantes qui nous taraudent aujourd’hui. L’espoir est devenu une denrée de plus en plus rare. La guerre fait rage dans des endroits que l’on pensait en paix. Le terme pandémie est véritablement entré dans notre vocabulaire et on s’est habitués à un nombre quotidien des morts dans tous les pays, relayés sur les chaînes d’informations en continu.
Jour après jour, on constate les ravages de la folie des hommes. Impuissants, on en devient même spectateurs de nos propres chutes. De nombreuses questions se posent. Comment garder foi en l’humanité ? Comment conserver la force de vivre en ces temps si sombres ?
Ainsi Rebecca Solnit s’intéressait déjà à ces problèmes il y a plus de dix ans. Elle fait le choix de partir de catastrophe bien réelles (tremblement de terre qui détruisit San Francisco au début du 20ème siècle, les attentats du 11 septembre 2001, l’ouragan Katrina) pour y chercher le moindre éclat de lumière. Elle évoque ainsi la solidarité, la fraternité, les actes politiques et humains qui ont permis à notre civilisation de ses relever. Elle pose un autre regard, résilient et lucide sur notre monde.
Rebecca Solnit était une optimiste en 2010, elle nous le disait en continuant à entrevoir la possibilité d’un paradis en enfer, en croyant en notre capacité à réagir avec créativité et compassion quand la détresse frappe aveuglement.
L’ouvrage est relativement dense, la préface révisée nous annonce d’emblée que le paradis a disparu et que l’on pourrait aujourd’hui inverser le titre. Ce qu’elle nous dit du séisme de San Francisco est vraiment très intéressant. Un évènement moins connu, intervenu à Halifax en decembre 1917, pendant la Première Guerre mondiale, nous offre une analyse très pertinente s’appuyant sur la sociologie, montrant des conclusions totalement opposées concernant la violence et la nature humaine que l’on se situe du côté des réactionnaires ou des révolutionnaires.
Les bombardements sur Londres en 1940 nous permet de voir les différents comportements en temps de guerre qui se sont accompagnés d’un atténuement des clivages sociaux. Le séisme de Mexico en 1985 nous montre comment les Mexicains se sont découverts et comment ils ont pris conscience qu’il était puissant par rapport à leur gouvernement, incapable de gérer la crise. Le séisme de Lisbonne en 1755 est aussi connu pour avoir eu un retentissement politique considérable, montrant aux populations que cela n’était pas forcément venant de la colère des dieux.
Et puis évidemment, la fin de l’ouvrage, centrée sur New-York, sur les attentats du 11 septembre est passionnante à lire. Une fois encore, on comprend en quoi cette catastrophe a eu une portée internationale immédiate mais surtout en quoi cet évènement fut aussi une catastrophe locale. Elle montra aussi le besoin d’aider, l’affirmation d’une communauté.
L’ouvrage traite aussi d’autres catastrophes comme Katrina qui eut plus d’effets sur l’administration Bush que les attentats du 11 septembre. L’histoire de toutes ces catastrophes révèle au final que l’homme se retrouve le plus souvent en quête d’un sens à donner à son existence. Elle nous montre capables d’altruisme, d’entraide quand il s’agit de répondre à une exigence urgente. Elle montre aussi que très souvent les catastrophes menacent les élites car le pouvoir revient souvent à ceux qui sont sur le terrain. Enfin, elles montrent qu’il est nécessaire de réfléchir à une nouvelle société.
Une fois encore, Rebecca Solnit nous propose un ouvrage profondément intelligent, pertinent dans ses analyses, s’appuyant sur des exemples précis. Il confirme le talent de Rebecca Solnit et sa place prépondérante aux Etats-Unis. |