Marrant. C'est marrant comme les titres peuvent être trompeurs au bout du compte, comme à vouloir éviter les pièges on tomberait plus facilement dedans.
L'affiche est alléchante, l'agenda était bouclé depuis une semaine déjà. Imaginez deux secondes. Un obscur groupe danois oscillant entre l'harmonique chiadé et la symphonie baroque, une pianiste belge in the style of Tori Amos, et un mythe des années glorieuses de l'Angleterre 90' .
Au programme de cette deuxième soirée du festival "Les Femmes s'en mêlent" : Under Byen, An Pierlé et St Etienne. "Girls who are boys / Who like boys to be girls / Who do boys like they're girls / Who do girls like they're boys" qu'il chantait Damon Albarn en 1994. Ou 1993 on s'en fout en fait.
Le fait est qu'un festival spécial groupes de filles c'est, comment dire, un sacré bordel à organiser en fait. Un peu comme la journée de la femme, réducteur et flatteur à la fois. La salle est pleine d'hommes virils. Où sont les femmes se demande-t-on ? Sur scène.
Sur scène, oui, mais étonnamment en retrait pour Under Byen, premier groupe à ouvrir les hostilités.
A écouter l'étonnant groupe danois et sa chanteuse au timbre de voix si proche de celui de Bjork, on se demande bizarrement qui est le boss du live.
Le violoncelliste, le guitariste autiste, ou Henriette la chanteuse en retrait. On hésite on se demande, on écoute et on repense à la beauté sombre de Delt er mig der holder traeerne sammen, surprenant album s'écoutant au petit matin comme à la tombée de la nuit danoise.
Et la transcription de l'album sur scène s'avère périlleuse, pour le moins. La guitare entre deux chaises, hésitant entre chansons expérimentales à la Mogwai ou Sigur Ros, et lentes envolées portées par la voix d'Henriette, le public hésite. Hésiter à aller prendre une bière ou rester encore un peu.
L'auditeur à l'oreille sensible peine sans doute à reconnaître les titres tant écoutés sur platine, et l'ambiance jazzy si forte sur album manque ici fortement, noyée dans le dark maelström imposé par le backing band.
Dommage.
Déconcerté mais pas vaincu, changement de plateau et d'artiste. Arrivée sur son désormais fidèle ballon/tabouret de An Pierlé.
La belle et fringante An. Toujours belle. Qui déclare que ce soir, priorité aux nouvelles chansons du nouvel album, An Pierlé and White velvet. Risqué mais couillu, aussi couillu que puisse l'être un festival dédié aux femmes.
D'emblée, "Jupiter" s'impose comme le single évident de ce nouvel opus, dans la veine des titres passés, refrain entêtant et piano aérien, porté par une guitare discrète et moustachue, oui le guitariste est la copie conforme de Clapton période Unplugged MTV. Simple anecdote.
Les titres s'enchaînent et oui, An Pierlé lave plus blanc que blanc, livrant un show sans surprise. Mélodies belle comme le métro qui arrive lorsqu'on ne l'attendait plus, lascive mais un brin fleur bleu à l'encolure.
N'empêche. Les chansons telles que "How does it feel" (superbe "Ad lib" au passage) remporte à l'unanimité l'adhésion du public pas con, qui sait reconnaître les belles compositions lorsqu'elles sont bien jouées. An Pierlé, à mi-chemin entre Tori Amos et Axelle Red, s'égosille la voix à chauffer la salle, un peu molle du genou.
La faute à une programmation trop éclectique ? Sans doute. La masse féminine dans la salle reste discrète. L'écoute on stage laisse entrevoir de biens beaux moments sur l'album, à réécouter encore et encore, pour ses tonalités soul limite motown par moments.
Au final, vous l'avez bien mériter cher public, un "Sorry" accueilli avec toute la ferveur qu'il se doit. Bravo An.
Bien gentil tout ça. Mais l'évidence s'impose. La grande majorité du public ce soir, ankylosé des articulations, est venu pour Saint Etienne.
Comment leur en vouloir…Elle a de beaux restes la Sarah, dans son jean sec et moulant. Groupe improbable, duo de clavier aussi arty que les Duran Duran, groupe qui aurait presque l'air d'en avoir rien à foutre d'être la.
Et puis ELLE est la, Sarah, rayon de soleil et cheveux d'argent.
On voudrait avoir 40 ans et la séduire. Juste elle et nous, pour reprendre l'espace d'une heure les plus belles chansons d'une carrière, alternant la house pop des 90' et l'easy listening de Good Humor. Album des dimanches pluvieux londoniens.
Paradoxe, c'est l'ambiance gay friendly qui domine pour St Etienne, ambiance décontractée et festive, enfin un peu de mouvement.
Mouvements festifs malheureusement freinés par une cigale trop grande. De plus, et ce n'est pas un reproche, Saint Etienne ne se contentera pas d'un best of pour fans nostalgiques. Ce qui était annoncé comme un comeback sera en fait le concert d'un groupe qui n'a jamais cessé d'exister et si Sarah laisse échapper un "tonight we are playing our last gig" elle ajoute aussitôt ..."but well, probably not".
Seule véritable concession au bon vieux temps, celui ou Saint Etienne était un groupe majeur de la scène anglo saxonne, un duo un rien nostalgique avec Etienne Daho, "She's on the phone" tiré du célèbre "Week end à Rome".
Décidément, ce soir c'était la Saint Etienne quoi qu'on puisse en penser.
Au final, soirée mitigée. De trop grands crossover musicaux, de l'expérimental danois à la pop 90', un fossé difficile à combler somme toute, avec le risque que les pinceaux, eux, s'emmêlent...
|