Monologue dramatique d'après le texte éponyme de Oscar Wilde interprété par Josselin Girard dans une adaptation et une mise en scène de Bruno Dairou.
Dans un parcours de vie intervient parfois une figure qui sera l'instrument d'une irrémédiable chute.
Pour l'écrivain dramaturge et poète Oscar Wilde au faîte de sa notoriété, elle a la beauté vénéneuse de Bosie, un jeune éphèbe de haute lignée se présentant comme "le Prince Fleur de Lys" qui, tel que décrit, présente toutes les caractéristiques d'un pervers narcissique de surcroît doublé d'un écornifleur-gigolo.
Celui-ci va causer sa perte, de la gloire à l'infamie et à la banqueroute, en l'instrumentalisant dans le cadre de sa vengeance à l'encontre d'un père haï, membre de la Chambre des Lords, qui va se conclure par sa condamnation pénale et son emprisonnement.
Tous les événements sont retracés dans une lettre destinée à l'amant dont le titre "De Profundis" repend les premiers mots d'un psaume biblique érigé en prière pour les défunts dans la liturgie catholique à fins d'implorer le pardon des péchés et la grâce du salut qui constitue un chant du cygne et le préquel de la réflexion philosophique et évangélique développée par Oscar Wilde dans son oeuvre ultime "La ballade de la geôle de Reading" avec son concept de "la machine Humanité" qui lamine l’individu.
D'une longueur atypique, la missive n'est pas réductible à une déclaration d'amour et/ou un processus de résilience car, placée sous le signe de la dualité et d'une pluralité de dichotomies paradoxales entre le coeur et la raison et entre l'âme et le corps sur fond de déploration, de verbalisation virulente de l'humiliation et de la colère et de transcendance mystique.
Dès lors, elle comporte, et entre autres, la biographie d'un amour avec, en résonance contemporaine, un constat lucide sur la puissance de l'emprise opérée par l'amour et l'incapacité de s'en détacher, un autoportrait valorisant, des développements sur les tropismes esthétiques de l'auteur et une pathétique supplique pour le retour de l'aimé devenu silencieux.
Et surtout une autobiographie spirituelle en forme de méditation existentielle sur la douleur avec un "mea culpa" pour avoir cédé à ce qu'il qualifie d'"amitié dont le but primitif ne fut pas la création et la contemplation de choses belles" dont il avait fait son credo, le pardon des offenses et une conception personnelle du péché dans laquelle "Les péchés de la chair ne sont rien, seuls les péchés de l'âme sont honteux".
Signataire de l'accomplie adaptation qui rend compte de l'opus kaléidoscopique, Bruno Dairou assure une mise scène de même acabit sur un plateau quasiment nu qui sied à la situation dans une cellule carcérale du 19ème siècle.
Sous sa direction aguerrie et sous les lumières crépusculaires d'Arnaud Barré le nimbant de clairs-obscurs en adéquation avec la partition, Josselin Girard réalise une époustouflante prestation incarnée qui sied à la prose wildienne navigant entre dolorisme, vanité et exaltation. |