Spectacle burlesque des Chiens de Navarre mis en scène par Jean-Christophe Meurisse, avec Delphine Baril, Lula Hugot, Charlotte Laemmel, Anthony Paliotti, Gaëtan Peau, Ivandros Serodios et Fred Tousch.
Avec "La vie est une fête", son millésime 2022 au titre évoquant tant un mantra ressortant à la méthode Coué qu'un diktat utopiste et un credo sectaire, Les Chiens de Navarre poursuivent leur exploration radiographique de l'état du monde et de ses ouailles.
Le spectacle débute dès l'ouverture de la salle au public, avis aux spectateurs arrivant pour l'heure pile, avec une foire d'empoigne parlementaire qui, forçant à peine le trait, retrace la qualité de l'actuel débat démocratique dans l'hémicycle du Palais Bourbon avec des figures dont la ressemblance avec certains de ses membres et des ministres ne saurait être fortuite.
Le transfert dans un service d'urgence psychiatrique d'un député victime d'un collapsus cérébral donne le ton de ce nouvel opus en ouvrant le bal d'un édifiant jeu de massacre ordonné autour de la folie avec une trame à double hélice ainsi précisée par Jean-Christophe Meurisse, qui coordonne l'écriture de plateau et assure la mise en scène : "Les micro folies de notre siècle peuvent engendrer les macro folies d’une personne".
Avec un esprit libertaire affranci tant du politiquement correct que du consensualisme moral, la troupe biberonnée à l'humour féroce et provocateur et à la satire cynique portés par des hebdomadaires tels le feu journal bête et méchant Hara-Kiri puis Charlie Hebdo fait son miel des dérives contemporaines dans lesquelles elle propose une plongée sociologique en apnée jusqu'à la nausée en usant de tous ses tropismes dont le style désinhibé érigeant le mauvais goût et l'outrance au rang du bel art.
La partition se compose d'une succession de tableaux maelstromiques en relation avec l'actualité d'une société pré-apocalyptique et des personnages pour lesquels la décompensation psychotique constitue sinon un acte de résistance du moins l'élément principal d'un kit de survie individuelle.
Et autant de tranches de vie saignantes, parfois sanguinolentes à la manière grandguinolesque, ainsi avec l'issue en tango gay d'une affrontement urbain entre émeutier et force de l'ordre vaillamment dispensé par Anthony Paliotti et Ivandros Serodios, à l'outrance burlesque se succédent à un rythme trépidant.
Notamment au menu, l'indigence intellectuelle et l'incompétence politicienne, la déliquescence de l'hôpital public, l'enfumage de la start-up nation macronienne avec la délirante composition de Fred Tousch en boomer quinqua atteint du syndrome du Joker après avoir été vertement éjecté sans parachute de la société "high tech" qu'il a fondé par un binôme managérial composé d'un gourou EELV façon revival new age (Gaëtan Peau) et d'un décérbré gyroskateur à la manière Silicone Valley (Anthony Paliotti).
Côté féminin, des partitions féminino-féminines avec, entre autres, la fan attitude suicido-dépressive pour des chanteurs morts avec Charlotte Laemmel et le blues de la post-quadra avec l'épatant duo Delphine Baril et Lula Hugot et, hors catégorie, pour camper les fous furieux le stupéfiant acteur-performeur Ivandros Serodios dans un registre trash mais en surmultiplié de celui de l'imprévisible clown américain Jango Edwards.
Pour le public in situ une seule attitude possible, celle imparable, indispensable et jubilatoire du rire salvateur. |