Comédie dramatique écrite et mise en scène par Virgile Daudet, avec Aurélie Cuvelier Favier, Clara Leduc, Morgan Perez et Bastien Spiteri.
Avec "Diagonale(s)", Virgile Daudet réussit quelque chose de beaucoup plus difficile que de simplement faire partager la folie d'un personnage, ici incarné par Clara Leduc, il montre tout ce que cette maladie renvoie à l'entourage de la personne malade. En termes simples, ses proches ne risquent-ils pas, à leur tour, d'être touchés mentalement ?
On peut comprendre ainsi le titre de la pièce, "Diagonale(s)" en référence au fonctionnement du fou dans le jeu d'échecs. Son déplacement justement en diagonale est un va-et-vient qui peut aller et venir sur toute la surface de l'échiquier, de la "bonne santé" à la folie.
Tout commence dans le cabinet d'un psychiatre (Bastien Spiteri) où Morgan Perez et Aurélie Cuvelier-Favier, les proches de la jeune femme qui ne veut plus prendre des médicaments, ont conduit celle-ci parce qu'ils sont démunis devant ce qu'elle vit et ce qu'elle leur fait vivre. Car elle leur impose sa souffrance, leur transmet en quelque sorte sa maladie.
Tout à coup, pendant l'entretien avec le psy, la voilà en crise. Ses oreilles bourdonnent, sa tête est prête à éclater et ce qu'elle vit intérieurement se matérialise : elle n'est plus chez le thérapeute mais dans un commissariat à jouer les flic ripoux avec les autres acteurs de la pièce.
On est ainsi transporté dans une scène digne d'un polar télé et très éloignée de l'éprouvante scène initiale. Le quatuor s'amuse franchement et la parodie de série policière est très crédible... mais la réalité initiale finira par revenir au galop.
Plusieurs fois on oscillera entre ce qu'on postulera comme la réalité (l'entretien chez le psy) et une fiction, une fiction dans la fiction, en quelque sorte. A chaque aller-retour, on aura le sentiment que les choses s'aggravent. Que peut-il advenir de quelqu'un qui vient de jouer les chiens-chiens à sa mère dans un nouveau fantasme quand celui-ci cesse ?
Virgile Daudet parvient à créer une tension qui va crescendo vers une scène finale véritablement très forte dans l'impasse totale qu'elle formule. Pourtant, chaque nouveau moment de "répit" détend par la proposition hilarante ou décalée qu'elle contient.
La diagonale, c'est donc aussi des passages où l'on rit franchement et d'autres où l'on revient vers le drame, dans un contexte social où il n'y a plus de places pour prendre en charge une personne dont la pathologie s'aggrave ainsi de fantasme en fantasme.
Les quatre comédiens sont d'une grande efficacité et prouvent constamment, par leurs capacités à changer en un instant de registre, qu'ils sont faits pour ce métier. "Diagonale(s)" de Virgile Daudet pourrait peut-être s'enrichir d'autres éléments, en restant aussi dense que dans sa durée actuelle, car l'auteur tient un sujet qui mériterait un développement plus long.
Cet espèce de thriller mental vaut de toute façon le déplacement dans sa version actuelle. On soulignera qu'il bénéficie d'une ambiance musicale due à Voyou, un jeune compositeur plus que prometteur. |