Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Samuel Beckett, adaptation et mise en scène de Christophe Collin, avec Edouard Bioy, Gaëtan Bonhomme, Damien Jacob et Christophe Collin.
Quel plaisir de découvrir un beau texte d'un auteur qu'on croit, à tort, bien connaître !
Dans l'œuvre de Samuel Beckett, "Mercier et Camier" est un roman écrit en 1946, directement en français pour la première fois pour un long texte. Il ne sera publié en 1970 et restera toujours dans l'ombre des œuvres qui lui auront permis d'être nobélisé l'année précédente.
Les trente pages qui ont été extraites du roman pour cette adaptation par les membres de la Compagnie Les Inspirines dirigée par Christophe Collin n'ont jamais été interprétées sur scène.
On le redit aux amateurs de Beckett : ils vont se régaler. Car le travail de montage effectué ici donne à entendre du très bon Samuel. Et cela sans qu'on suppose un grand effort pour trouver les bonnes feuilles.
Il faut dire que Christophe Collin, avec la collaboration artistique de Marjorie Hebrard et le soutien de ses compagnons Edouard Bioy, Gaëtan Bonhomme et Damien Jacob ont trouvé l'habillage parfait pour conter les aventures de Mercier et Camier, qui vont entreprendre un périple qui, soyons raisonnable, tient plus de la promenade que du voyage de Marco Polo ou des errances de Don Quixote.
Affublés de noms bien français, les deux compères sont pourtant de bons Irlandais et on les suivra dans des paysages typiques de cette île. C'est d'ailleurs une des rares fois où l'Irlande a sa place dans une œuvre du plus célèbre de ses fils avec James Joyce. Christophe Collin a tenu ce que l'on puisse entendre ces "passages descriptifs" qui évoquent formidablement le pays d'origine de leur auteur.
Les héros du roman sont, comme souvent chez Beckett, une doublette. Elles annoncent les futures doublettes célèbres comme Vladimir et Estragon chez Godot et se réfèrent aussi à une autre paire de bras cassés de la littérature, Bouvard et Pécuchet.
Mais sur scène, on aura mieux qu'une doublette : une double doublette. Cela leur permettra de vivre des péripéties où ils pourront croiser leurs comparses surnuméraires en personnages d'appoint, gendarmes ou autres que vont croiser les deux amis.
A leur entrée sur une scène matérialisée au sol par un grand carré blanc et sur le bord arrière duquel ,en son centre, il y aura une espèce de banc lui aussi en pierre blanche, les quatre drôles formeront une ligne en avant du cercle.
Ainsi alignés, droits sur leurs jambes, avec sur leurs visages un air de défi, ils sortiront des flasques évidemment remplis du breuvage local qu'ils transvaseront dans des gobelets pour ingurgiter d'une traite ce fortifiant nécessaire pour réciter leur belle poésie. Parés ainsi pour esquisser toute faiblesse, ils seront prêts à interpréter leur texte. en y mettant tout leur cœur de futurs clochards à la Godot.
Ensemble, en paires successives, ils vont se faire les éclaireurs d'un texte qui prendra, dans les années à venir, sa juste place dans une œuvre géniale encore à défricher, à l'inverse de ce qu'on avait cru.
Que Beckett reste un continuent à découvrir voilà une grande et bonne nouvelle. Encore un énorme merci à Christophe Collin de se faire son champion et son héraut. |