Spectacle conçu par Chen Jiang Hong, mise en scène de François Orsoni, avec Lili Chen, Alban Guyon et Namkyung Kim.

C'est à un petit moment de grâce, dans l'univers et la vie du peintre chinois Chen Jiang Hong que convie petits et grands François Orsoni dans son nouveau spectacle.

Il avait déjà croisé le pinceau de l'artiste en adaptant ses "Contes Chinois". Cette fois-ci, l'œuvre choisie est à la fois littéraire et picturale. Dans "Mao et moi", Chen Jiang Hong raconte son enfance et sa jeunesse en pleine Révolution Culturelle, période majeure de l'ère maoïste et productrice d'une grande tragédie pour des millions de Chinois.

Dans "Le Petit Garde rouge", il y a bien sûr l'Histoire avec une majuscule, mais elle s'entremêle avec l'existence d'un enfant qui va se retrouver affublé de la tenue commune à des centaines de millions d'hommes et de femmes. Pas question d'évoquer les luttes intestines à l'intérieur du parti.

On n'évoquera pas Liu Shao Qi ni Lin Biao, on ne parlera pas de cliques déviationnistes ni de lia ligne juste du Parti. Les échos de tout cela pour le petit garçon qui dessine ses souvenirs heureux et malheureux prendront la forme de la disparition absurde des poules de la grand-mère, l'éloignement pour des années d'absence de son père.

Dans son dispositif scénographique, Pierre Nouvel met en avant le travail du peintre. Assis à sa table de travail, ses traits sont projetés sur deux écrans qui s'imbriquent, l'un sur le côté de la scène; l'autre occupant l'essentiel de l'arrière de l'espace central.

Peu à peu, trait à l'encre de Chine après trait à l'encre de Chine, coup de pinceau coloré après coup de pinceau coloré, se forme un dessin en rapport avec le texte lu ou interprété par Alban Guyon. On sera tout à fait étonné par la réaction des nombreux enfants présents : une attention absolue. Ils sont subjugués par cette expérience de peinture en direct, un peu dans l'esprit de ce que Clouzot faisait faire à Picasso dans "Le Mystère Picasso".

Mais la scène n'est pas dédiée qu'aux dessins, elle est aussi l'occasion à deux danseuses de les mettre en situation. François Orsoni a demandé à Lili Chen, danseuse formée à l'Opéra de Beijing et à Namkyung Kim, formée à Seoul, de retrouver l'ambiance des parties dansées des opéras révolutionnaires de l'époque. Il ne leur a pas demandé de s'en moquer ou de les caricaturer, comme on le fit souvent en Occident qu'on se rappelle par exemple les films de Jean Yanne

En correspondance avec les dessins de Chen et ses textes lus par Alban Guyon, renforcées par la création sonore et les bruitages de Valentin Chancelle et Eléonore Mallo, ces danses, fusils au poing, donnent la mesure de ce qu'était cette Révolution Culturelle. On est ailleurs, dans un autre monde où la mort est aussi présente que la nostalgie des beaux jours la précédant, et cela sous la forme de la disparition du grand-père.

Pouvant être lu à plusieurs niveaux, "Le Petit Garde rouge" est un spectacle simple et complexe à la fois. Une leçon de vie pour tous qui dit que la beauté des choses et son passage par l'art n'est pas une arme contre le pire, mais un viatique pour le supporter, voire pour le surmonter.

Un spectacle original qui rend heureux.