Biopic théâtro-musical conçu par Olivia Elkaim, mise en scène de Christophe Gand, avec Natacha Régnier et Raphaël Sanchez.
Les amateurs de jazz connaissent bien la baronne Pannonica de Koenigswarter, née Rothschild. Dans les années cinquante, à New York, elle a aidé les jazzmen qui ont marqué l'ère bebop.
Mécène, muse ou amante, à l'occasion photographe, on ne compte plus les morceaux qui portent son nom, "Nica", comme l'appelaient affectueusement ses génies du jazz, à commencer par Thelonius Monk, Bud Powell ou Charlie "Bird" Parker...
En ces temps où le théâtre s'est mis au "biopic", sans encore trouver un nom pour caractériser le genre, il était logique que le personnage de Pannonica intéresse à son tour. C'est Olivia Elkhaim qui s'est ainsi chargée de faire connaître sur scène cette femme qui vaut vraiment le détour. Elle en a tiré un monologue qui, loin de desservir son sujet, l'a au contraire, magnifiée.
En confiant le rôle à Natacha Régnier, on a encore franchi un pas de plus. Selon l'expression cette fois-ci nullement usurpée, l'actrice a rencontré le rôle de sa vie.
On la connaissait surtout grâce au cinéma. Si la "Vie rêvée des anges" lui a valu un Prix d'interprétation à Cannes, on peut lui prédire bien d'autres récompenses pour incarner avec autant de sensibilité, de conviction ce personnage de femme passionnée. Natacha Régnier est Pannonica. Presque sans jamais retenir son souffle, elle lui donne sa voix pour qu'elle puisse exprimer son amour de la vie, du jazz, sa haine du racisme, son goût du beau.
Pour y parvenir, elle est dans un écrin stylisé par Georges Vauraz : des éléments argentés au sol, des formes de miroirs brisés éparpillés ça et là, des draps suspendus et presque hors de la vue des spectateurs, le piano de Raphael Sanchez.
Assise dans un fauteuil blanc, puis debout face au public, elle a eu aussi la grande chance que son metteur en scène, Christophe Gand, n'ait pas eu l'idée facile de donner à voir ses musiciens. Délivrée de toute vidéo, elle n'est pas non plus prisonnière des morceaux attendus.
Raphaël Sanchez, à sa demande, glisse quelques notes de Thelonious Monk, mais reste maître - et quel maître ! - de sa propre musique. Si l'on veut retrouver Monk, Bird et tous les autres, ce sera chez soi ou dans un club de jazz. Ici, la scène appartient à Pannonica-Natacha et elle n'est pas là pour de nouveau n'être que la porte-parole de ses "encombrants" génies.
On aimerait avoir sur soi le texte d'Olivia Elkaim tant il paraît bien écrit sortant de la bouche de Natacha Régnier. Dans la belle lumière de Denis Koransky, on ne pourra qu'être gagné peu à peu par l'émotion. L'ultime tirade est déchirante et l'auteure montre qu'elle sait finir sur un temps extrêmement fort.
"Pannonica, Baronne du jazz" n'en est qu'à son tout-début. Nul doute que Natacha Régnier saura porter ce spectacle haut et loin.
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