Comédie dramatique d'Alexandre Dumas fils, mise en scène de Caroline Darnay avec Agnès Afriat, Damien Boisseau, Philippe Carle-Empereur, Muriel Cypel, Caroline Darnay, Delphine Depardieu, Aurélien Legrand et Pierre Maurice.
Emile Zola disait " Je n'aime guère le talent de M. Alexandre Dumas fils. C'est un écrivain extrêmement surfait, de style médiocre et de conception rapetissée par les plus étranges théories. J'estime que la postérité lui sera dure."
Zola n'avait certes pas le flair de Madame Soleil puisqu'Alexandre Dumas fils a connu la célébrité de son vivant et est passé à la postérité avec notamment "La Dame aux camélias". En revanche, il ne se trompait pas sur les "étranges théories" de l'auteur puisque ce dernier est à l'origine du terme "féministe".
Avec "La dame au camélias", "Diane de Lys" et "Le demi-monde", Alexandre Dumas fils a écrit une trilogie sur une frange de la société de son époque, qui constituait un monde parallèle qu'il a lui même baptisé "le demi-monde", expression devenue également célèbre, qui met bien en évidence la tyrannie de la morale bourgeoise basée sur l'incapacité civile de la femme et surtout sur la double morale.
Fin observateur des mœurs de son temps, il peint avec justesse mais aussi une réelle ironie et une vraie humanité de beaux portraits de femmes qui toutes, à leur manière, revendiquent égalité et liberté, face à des hommes cyniques et veules.
Sur "Le Demi-monde" Sainte-Beuve écrivit : "Ample justice doit être rendue à cette [dernière] pièce, à ces quatre premiers actes surtout, si nets d'allures et de langage, coupés dans le vif, semés de mots piquants ou acérés". Tout est dit quant au style d'Alexandre Dumas fils qui sait si bien dépeindre tant les figures que les situations.
Quant à l'intrigue elle paraît simple : la demi mondaine Baronne d'Ange cherche à quitter son état par le mariage avec un jeune ingénu. Mais c'est sans compter sur la froide solidarité des hommes respectables, et surtout le dépit d'un de ses amants, qui veillent à conserver leur terrain de chasse bien clos et à ne pas accepter de brèche dans la frontière de la respectabilité. Et pourtant elle est à multiples rebondissements qui captivent le spectateur.
Caroline Darnay a fait le bon choix avec cette pièce moins connue dont elle a su conserver tout l'irrésistible réalisme au terme d'une mise en scène très travaillée et cependant fluide et invisible.
La distribution est parfaite, homogène, judicieuse et talentueuse. Caroline Darnay elle-même, en subtile et intelligente baronne d'Ange, est entourée de la grâcieuse Delphine Depardieu, la piquante Agnès Afriat et de l'accorte Muriel Cypel.
Face à ces beaux portraits de femmes déclinées selon les âges, le quatuor masculin, Damien Boisseau, Aurélien Legrand, Philippe Carle-Empereur, et Pierre Maurice a du fil à retordre et porte haut les couleurs d'un machisme dégoulinant d'hypocrisie.
La courte programmation au Théâtre du Renard en laissera plus d'un sur le carreau. Dommage donc que vous ne soyez pas venu ! Mais beau joueur, espérons qu'il leur sera très prochainement donné une seconde chance avec une nouvelle programmation qui s'avère indispensable.