Spectacle de Jean Anouilh mis en scène par Émeline Bayart Avec Émeline Bayart, Christophe Canard, Marc Chouppart, Thomas Da Costa, Marc-Henri Lamande, Corinne Martin, Laurent Ménoret et Herrade von Meier.
"La Culotte", créée en 1978, appartient aux "pièces farceuses" de Jean Anouilh. C'est aussi l'une de ses dernières et elle est sans doute l'une des plus contemporaines. Car les temps ont changé : celles qui portent la culotte du titre sont désormais les femmes et Léon, académicien français, pisseur de copie au Figaro, risque la castration pour avoir fait un enfant à la bonne...
Anouilh n'est pas le seul à avoir eu cette idée à l'époque, puisqu'il avait été en 1974 précédé par Robert Merle, auteur des "Hommes protégés". Cela correspondait à la prise de parole des femmes de la première génération féministe post-soixante-huitarde : Gisèle Halimi, Benoîte Groult, Marie Cardinal...
Et en donner la vision d'extrémistes prêtes à castrer les hommes de femmes luttant pour l'IVG et revendiquant l'égalité des droits, qui n'étaient pas tous acquis, loin de là, entre hommes et femmes, est une lecture très réactionnaire. Heureusement, Emeline Bayart remet la balle au centre. Notamment en rajoutant des chansons très explicitement féministes, comme "Les Zhommes" d'Henri Tachan et en soignant particulièrement l'avocat de l'accusé, Lebelluc (Christophe Canard), dont la tirade en défense de son client, sans doute à prendre au premier degré chez Anouilh, dérape largement car il a, par opportunisme, anticipé la castration, donnant à ce gros barbu une voix de contre-ut...
On ne cachera pas, même si on craint des rapprochements qui ne devraient pas avoir lieu avec les féministes modernes vilipendées par le journal où travaille Léon, qu'on rit franchement.
On soulignera la qualité de toute la distribution complétée par des acteurs qui sont aussi d'excellents instrumentistes (Thomas Da Costa, Marc-Henri Lamande, Corinne Martin et Herrade Von Meier). On n'oubliera pas l'élégance de la scénographie, et des costumes, d'Anne-Sophie Grac, qui en un mouvement de machinerie transforme l'appartement d'Ada et Léon en un tribunal. Et l'on rappellera, plutôt deux fois qu'une, la qualité du travail d'Emeline Bayart, qui remet en selle un Jean Anouilh que certains trouvent toujours désuet.
Peut-être amorce-t-elle pour Anouilh, ce qui est arrivé jadis pour Guitry, une relecture qui le débarrasse de tout ce qui l'avait empoussiéré. En tout cas, "La Culotte" est à voir au plus vite puisqu'il n'y a que seize représentations annoncées. |