Une étrange, mais si douce sensation nous étreint à l’écoute de ce disque, celle de pénétrer l’intimité, la plus pure pourrait-on dire, du chanteur français.

Parce que ce disque est particulier. Pas un disque de piano solo, "surtout pas !" comme il le clame. Mais des "romances" sans paroles, surtout, un disque de famille en quelque sorte, hommage au lien ténu qui l’unit à cet instrument.

"Le grand Orque fait partie de la famille. Comme le chien. Pas une maison où j’ai passé des bouts de ma vie sans lui. Pas un jour sans que lui et moi ne partions en ballade. A se demander au bout du compte s’il est dans la maison ou s'il est LA maison. Je ne me sens pas chez moi tant qu’il n’y est pas. C’est cette part d’intimité avec la musique que j’ai voulu capturer dans ce disque. Comme un enregistrement pirate. Ne surtout pas régler mes comptes avec le pianiste que je suis et surtout celui que je ne suis pas".

Pas de grandes phrases virtuoses, pas de Feux-follets, pas d’Islamey, pas de regard "par lui tout a été fait", pas de Mazeppa mais quelque chose d’autre. Et cet autre chose n’empêche jamais une finesse, de la subtilité, une sorte de nostalgie, une part d’enfance, un peu de naïveté, de celle que l’on pourrait rapprocher (et surtout pas reprocher) de Satie, et de superbes phrases mélodiques. Le secret de ces morceaux ne se trouve pas ailleurs qu’en eux-mêmes. Rien n’est caché. Il suffit de se mettre à son écoute. Se laisser aller à l’immédiateté, à parfois la jouissance de la répétition, à l’absence de jugements de valeur esthétique, à ce son de piano, à cette incroyable poésie qui quelque part lui est propre.

Et puis tout, ou beaucoup, est dit sur la très belle pochette de Djamel Tatah : le piano, l’intimité, le partage (le choix du label : Buda Musique n’est pas anodin) et la transmission "puisque désormais chaque note que j’écrirai serait possiblement entendue par celle qui me voit le plus nettement au monde : ma fille". Touchant, superbe.