Monologue écrit, mis en scène et interprété par Mina Kavani. On ne s'étonnera pas qu'une actrice iranienne soit en exil en France, d'autant plus si elle a tourné jadis un film où elle se dénudait. On ne s'étonnera pas non plus, que longtemps éduquée par les mollahs, elle se sente étrangère en cosmopolite francophone tentée aussi par les Etats-Unis.
Dans la pénombre d'une scène où l'on aperçoit fugitivement deux grands miroirs et parfois son reflet sur ces miroirs, elle s'analyse, passe en revue les paradoxes qui la rendent malheureuse. Elle se souvient avec nostalgie de son sort à Téhéran où elle vivait dans sa maison dans un "Brooklyn Secret". Elle regrette cette manière de résister de l'intérieur, là où elle pouvait rêver de Paris, du monde de la culture comme viatique. Maintenant, elle peut en profiter mais n'en profite pas vraiment car elle se sent étrangère, iranienne de surcroit, iranienne voilée possiblement.
Dans un français parfait qui, d'une certaine manière paraît étrange pour un spectacle qui porte le titre d'une chanson de David Bowie et ne fait que quelques allusions au monde anglo-saxon, elle explique ses contradictions. Elle le fait avec des mots très simples qui reviennent souvent, mais sans chercher à les rendre stylistiquement obsédants à la Thomas Bernhard. On la sait comédienne et on le sent dans sa capacité à faire semblant de ne pas l'être alors qu'elle sait subtilement jouer du beau travail des lumières de Marco Giusti. Beaucoup d'élégance dans ce spectacle, faussement minimaliste, qui profite aussi d'une "bande-son" électro de Siavash Amini qu'on entend par moments.
Et cette prestation séduisante emporte le spectateur. Son texte évite le mot d'auteur, un peu comme si Mina l'actrice ne voulait pas être prisonnière de Mina l'auteur. <7p> Elle veut qu'on désigne la première victorieuse de son combat interne, car elle le revendique avec orgueil au bout de son désespoir : c'est sur scène qu'elle se débarrasse de ses papiers d'identité et qu'elle fait de son statut de comédienne la chose la plus importante de sa vie.
On espère vraiment qu'un futur peu lointain résoudra pour elle ses problèmes identitaires, et qu'elle pourra se balader de Paris à Téhéran sans plus avoir à chercher où elle se sent le mieux ou le moins mal. Entre temps, elle sera certainement devenue une actrice incontournable. |