"Par un curieux mystère ce n'est qu'au bout de quarante ans d'amitié que j'ai collaboré avec Cocteau. Je pense qu'il me fallait beaucoup d'expérience pour respecter la parfaite construction de La Voix humaine qui doit être, musicalement, le contraire d'une improvisation." Francis Poulenc

"Mon cher Francis, tu as fixé une fois pour toutes, la façon de dire mon texte." Jean Cocteau

"Allô ! C'est toi ?... oui... très bien... c’est un vrai supplice de t’entendre à travers tout ce monde... oui... oui... non... c'est une chance... je rentre il y a dix minutes... tu n’avais pas encore appelé ?... ah !...non, non... j’ai dîné dehors, chez Marthe... Il doit être onze heures un quart... Tu es chez toi ?... alors regarde la pendule électrique... c’est ce que je pensais... oui, oui, mon chéri...". Derrière ces mots d’une banalité confondante se cache un drame, celui d’une jeune femme délaissée par son amant, de sa passion, du manque d’affection, de sa solitude.

La voix humaine est une tragédie lyrique (même si le terme même de tragédie lyrique peut porter à discussion) en un acte pour soprano et orchestre de Francis Poulenc (1899-1963) basée sur la pièce de Jean Cocteau datant de 1928. Dans le rôle d'Elle Denise Duval naturellement (et peut-être toujours la version de référence), Jane Rhodes, Françoise Pollet, Felicity Lott, Magda Olivero, Renata Scotto, Carole Farley, Veronique Gens et maintenant Julie Cherrier-Hoffmann.

Le discours musical porté à la fois par la ligne vocale et par l’orchestre (ne serait-il pas cet amant absent au téléphone mais présent musicalement) exprime la tension, les émotions d’Elle, les non-dits. Si l’Orchestra Del Teatro La Fenice di Venezia est parfois un peu trop voluptueux, Julie Cherrier-Hoffmann s’y montre à son aise. Contrairement à sa pose sur la pochette, elle évite d’en faire des tonnes (même si certains passages sont trop appuyés), mais elle a le tempérament, les dons dramatiques, une sensibilité pour faire une Elle crédible. Le disque est couplé avec Les Chemins de l’amour et Fiançailles pour rire, deux œuvres orchestrées par Frédéric Chaslin.