Spectacle musical Cookie Mueller, mise en scène de Justine Heynemann, avec Eléonore Arnaud et Valérian Béhar-Bonnet ou James Borniche.
De la marge américaine, des déjantés pré-punks à l'underground post-warholien, on croyait tout connaître de ce côté-ci de l'Atlantique.
C'était sans compter sans une personnalité dont tous les livres ne sont pas traduits en français et dont seuls quelques cinéphiles ont remarqué les prestations dans les films de son compère provocateur de Baltimore, John Waters.
Et ce personnage hors norme, il est aujourd'hui remis en lumière par Eléonore Arnaud, qui lui redonne vie, galvanisée par des textes tranchants, ceux que cette Cookie impudique et majestueuse à elle-même laissée avant de s'envoler en 1989, à peine âgée de 40 ans, pour un ailleurs sans VIH.
A peine arrivée sur scène, où elle est accompagnée à la guitare, voire au ukulélé, par Valérian Béhar-Bonnet (en alternance avec James Borniche), Eléonore Arnaud s'impose en Dorothy Karen Mueller, dite Cookie Mueller. On sent d'emblée qu'elle aime la scène et y performer, qu'elle est heureuse de s'approprier la première quelqu'un qui n'est pas près désormais de retomber dans l'anonymat.
Cette actrice, écrivaine, go-go danseuse, qui a croisé sur la route de Baltimore à New-York toutes les légendes des années 1970 et 1980, de Jimi Hendrix à Jean-Michel Basquiat, de Divine à Jim Morisson, méritait réciproquement une telle interprète.
On peut dire sans exagérer "qu'Eléonore envoie du lourd" dans des tenues sexys qu'un Gainsbourg aurait défini comme "classieuses" en y ajoutant une aisance scénique à réveiller les loups de Tex Avery. On n'oubliera pas sa version de "Call me" où elle supplée facilement Debbie Harris ni son interprétation émouvante de "Ferdinand le taureau", texte de Cookie d'après un dessin animé de Walt Disney.
Oui, car si Cookie naviguait en poésie dans les mêmes eaux troubles des addictions qu'un Bukowski ou qu'un Lenny Bruce, elle pouvait tout aussi faire son miel des choses les plus populaires, en leur enlevant toute mièvrerie.
Eléonore Arnaud l'a défini comme "une Patti Smith qui ne ferait jamais la gueule". En tout cas, la prestation énergique et survitaminée de l'actrice bénéficie aussi de la mise en scène de Justine Heynemann qui ne la bride jamais, fait de son accompagnateur un véritable partenaire, et qui a conçu un spectacle toujours plein d'humour, même si le sida frappe fort dans cette époque où New York n'est pas encore devenue une ville aseptisée par l'ère Giulani.
"Cookie" est promis à un beau succès et, comme on l'écrivait tout à l'heure, cette femme d'exception devrait susciter l'admiration et l'attention de tous ceux qui en profiteront pour la lire. On n'a pas fini d'en entendre parler. On parie que ce sera également la même chose pour Eléonore Arnaud. |