Interview
(Studio Little, Paris) samedi 16 décembre 2023
"Pourquoi le fantasme est-il toujours plus beau que la réalité ?" est une question au coeur de la chanson qui ouvre Je Ne Fais Que Marcher Dans La Montagne de Fabien Martin.
Même s'il est auteur-compositeur-interprète et son propre producteur, Fabien Martin n'est pourtant pas un solitaire. Peut-être quelqu'un qui cherche d'abord la qualité des rapports humains à la quantité, tout comme pour ses disques puisqu'il a fallu attendre cinq ans pour entendre ces nouvelles chansons. Rencontre avec un artisan qui sait à travers ses chansons sublimer le quotidien. Fabien Martin était au Café de la Danse en concert le 9 janvier.
Est-ce que Je Ne Fais Que Marcher Dans La Montagne est un disque d'avant "le monde d'après" ?
Fabien Martin : Je crois que le monde est toujours maintenant et qu'en fait, on trouve toujours des raisons pour dire que le monde a changé. C'est vrai, le monde est tout le temps en train de changer mais en même temps, il est tout le temps en train d'être pareil. Donc je ne crois pas tellement à des césures comme ça. C'est un disque du moment. En tout cas, de mon moment à moi, tel que je l'ai vécu.
Ce sont des chansons qui ont grandi dans un environnement moins urbain que celles de tes précédents albums mais d'un autre côté, on retrouve quand même ton regard, le regard que tu avais sur les disques d'avant.
Fabien Martin : Ces chansons sont un vrai aller-retour entre la ville, la densité de la ville, la folie de la ville, et les sentiers perdus des montagnes où je m'absente, où je vais marcher plusieurs fois me perdre un peu, plusieurs fois par an. Et puis c'est un vrai aller-retour aussi entre mon intime et le monde dans lequel je vis. En fait, mon regard ne cesse de balancer entre les deux.
Quand tu écris ces textes, tu es un peu hors du bruit de la ville. Est-ce que ça t'aide, pour des idées d'arrangement, pour donner de l'ampleur aux chansons ?
Fabien Martin : Je ne peux pas dire que le processus soit toujours le même selon les titres. Mais, en général, c'est une espèce de puzzle. Je trouve à la fois des bribes de mots, de musiques toutes simples, au piano ou à la guitare. Là, pour le coup, c'était plutôt au piano. Et assez vite, je vais avoir une idée de la production parce que pour moi c'est indissociable.
C'est un langage aussi, la production, l'arrangement. La production, c'est un langage au même titre que que le texte ou la musique. Alors il ne doit pas prédominer, mais je sais très bien qu'une chanson peut être tout à fait gâchée. Une belle chanson, une chanson avec un beau texte peut être tout à fait gâchée par un arrangement ou une production qui ne sont pas à la hauteur. Aujourd'hui, on a tout à fait les moyens de faire de belles productions, en tout cas des prods qui correspondent à ce qu'on a envie de faire, mais ça prend énormement de temps.
Certes, tout prend du temps : écrire les textes me prend du temps, écrire une musique me prend un peu moins de temps que les textes. Par contre, travailler la production me prend énormément de temps.
Et c'est un aller-retour permanent. C'est-à-dire que je peux changer une mélodie ou je peux changer les mots en fonction de comment j'ai évolué dans mon processus de production. Donc il n'y a rien qui est figé. Il n'y a pas un texte qui est écrit qui soit figé une fois pour toutes et après je me mets à la production. Ça ne se passe pas comme ça. Ce sont des allers-retours entre ces trois choses-là, la musique, la production et les paroles.
Tu viens de produire l'album de Casagrande. Travailles-tu en tant que producteur pour quelqu'un d'autre de la même façon que tu travailles tes propres compositions ?
Fabien Martin : C'est à la fois différent et et pas différent. C'est-à-dire que quand je travaille pour moi-même, je me sens totalement libre en fait. Je n'ai pas tellement de trucs à à imposer à quelqu'un. Lorsque je travaille avec un autre artiste, je dois plutôt proposer des solutions.
Pour moi, si j'ai envie de faire un truc qui me passe par la tête et que j'estime que c'est n'importe quoi, je le fais quand même. Quand je travaille avec quelqu'un d'autre, je vais m'effacer un petit peu. Je n'ai pas du tout d'orgueil ou d'égo à mettre en jeu. Mon rôle, c'est juste de rendre la chanson le mieux le mieux possible et faire émerger des choses qu'il avait pas envisagé chez l'auteur-compositeur ou l'interprète. C'est ça qui est intéressant. Ce n'est pas uniquement reproduire ce qu'il a envie, ou ce qu'il a en tête. C'est une partie du truc, mais c'est aussi de lui faire découvrir des choses qu'il a en lui et dont il n'est même pas au courant.
Comment as-tu envisagé le passage à la scène, en particulier en raison des arrangements du disque ?
Fabien Martin : Pour l'interprétation, on va être 4 musiciens sur scène, plus des invités. Pas d'ordinateur, pas de boucles, pas de trucs comme ça. On va chercher un son de groupe pour essayer d'être fidèle à l'album. Mais l'important, surtout, c'est de créer du live et du jeu ensemble.
Chez Froggy's on préfère les chanteurs peints en bleu que les présidents peints en orange. Mais comme on n'y peut rien, il ne reste qu'à attendre et lutter avec les moyens du bord: la culture. C'est parti pour le programme de la semaine.