Opus collectif de Agnès Renaud, Marion Duphil-Barché, Pauline Méreuze, Diane Regneault et Jeanine Rebaud, mise en scène d'Agnès Renaud, avec Marion Duphil-Barché, Pauline Méreuze, Diane Regneault et Flore Taguiev.
Mathilde et Rose sont animatrices dans une petite radio associative du Sud de la France. Leur cible : les nombreux rapatriés d'Afrique du Nord, et particulièrement en ce jour où elles rendent hommage à Carmen Sintès, les femmes qui, comme elle, appartenaient à la communauté des petits blancs d'Oran.
Elles ont installé leurs micros hors leur studio et sont confrontés en direct à un public qui ne sait pas toujours ce qui s'est passé là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée. Comme celui de milliers d'autres mères de famille oranaises, le destin de Carmen va basculer au moment où la France n'entendra perdre son âme dans un conflit colonial.
Se refusant au "théâtre documentaire", les comédiennes qui ont participé à l'écriture de ce spectacle avec leur metteuse en scène, Agnès Renaud, et sa mère Jeannine, dont on entendra la voix enregistrée, participeront à une émission dont le spectacle se coulera presque dans sa durée d'une heure.
En choisissant des récits de femmes oranaises, on évite les griefs portés par les hommes, des griefs qui virent vite à la colère et à la rancoeur et débouchent bien souvent sur des propos racistes ou haineux contre ceux qui les ont chassé du paradis perdu de leur enfance...
On constatera ainsi qu'elles évitent habilement tous les périls. Elles réussissent cet exercice de haute voltige consistant à raconter honnêtement une histoire qui, dans le Sud de la France, fait bien souvent trop monter des pensées extrémistes...
Marion Duphil Barché, Pauline Méreuze, Diane Régneault et Flore Taguiev animent et participent avec coeur et talent cette émission riche en émotions. Parfois les sens s'échauffent mais les divergences ne parviennent pas à éteindre les sentiments d'affection qui lient des femmes partageant en commun la perte d'un pays et qui, tout le reste de leurs vies, se sont démenées pour ne pas trop ressasser cette perte. Et puis, en contrecoup, sans toujours le souhaiter, elles ont pris leurs destins en main, elles qui, en Afrique, n'étaient que des "filles à marier".
Sans tomber dans un didactisme excessif, "J'ai si peu parlé ma propre langue" permettra aux plus jeunes d'en savoir plus sur ce qu'on appelait "l'Algérie française" et les raisons d'une guerre qui ne disait pas son nom, mais qui mobilisa des centaines de milliers d'appelés.
Peut-être ces femmes amoureuses d'une terre perdue, auraient-elle pu avoir un mot sur tous ces garçons à peine sortis de l'adolescence qui laissèrent leur peau ou leurs illusions pour leur beau pays où ils ne connurent, eux, que souffrance ou horreur..
C'est sans doute ce qui sera évoqué dans les débats qui suivront inévitablement ce spectacle, on le répète, à la ligne globalement juste. On soulignera qu'Agnès Renaud et ses comédiennes ont bien su rendre l'atmosphère typique de ces petites radios communautaires, où l'on mélange recettes culinaires et nostalgies et où l'on évite, souvent de peu, les dérapages politiques qui pourraient signifier leur disparition de l'antenne... |