Réalisé par Timm Kroger. Drame, thriller. 1h58 minutes. Sortie le 21 février 2024. Avec Jan Bülow, Olivia Ross, Hanns Zischler, Gottfried Breitfuss, Philippe Graber, David Bennent.
Voilà un film clivant. Pas de demi-mesures : on aime ou on n'aime pas.
Il y aura ceux qui "voudront comprendre" cette histoire fantastique avec des univers parallèles dans lesquels le réalisateur perd son spectateur. Il y aura justement un autre public qui aimera être perdu dans ces histoires alpines filmées la plupart du temps en noir et blanc, un noir et blanc signé Roland Stuprich et qu'on peut considérer comme sublime.
Timm Kröger, auteur de "The Council of Birds" (2014), est évidemment fortement influencé par le cinéma expressionniste allemand, en particulier par les films de Fritz Lang. Il y ajoute un scénario romantique avec un jeune physicien amoureux d'une pianiste qu'il découvre ici et là dans les lieux qu'il traverse et dont il va finir par comprendre qu'elle n'est peut-être pas issue de son univers... Si l'on parle d'expressionnisme langien, on pourrait imaginer que la science-fiction rétro qui caractérise "Universal Theory" de Tim Kröger, elle, provient d'un scénario de Thea Von Harbou, la compagne de Fritz qui n'émigrera pas aux Etats-Unis en sa compagnie à l'heure de l'ère nazie...
Ere nazie qu'on sent aussi présente dans le film. Plus précisément ère post-nazie avec quelques signes peu trompeurs comme une main tendue inopinément par un petit groom lançant un saugrenu "Heil Hitler" quand entre dans un hôtel l'un des physiciens participant au congrès. On pense alors à l'atmosphère du film allemand de Lars Von Trier, "Europa", grouillant d'allemands pas très dénazifiés après guerre, ce film étant certainement une influence importante pour Tim Kröger. Autre signe de cette germanité interlope, la présence de David Bennent, l'acteur du "Tambour", ici en vieux flic malsain et surtout celle de Hanns Zischler, acteur emblématique du réveil du cinéma allemand dans les années 1970.
A l'image du film, on se perd à en parler et l'on a presque oublié de mettre l'accent sur la musique originale de Diego Ramos Rodriguez qui donne au film toute sa couleur romantique et rend mythique l'histoire d'amour impossible entre Jan Bulöw et Olivia Ross.
Comme on l'a dit, certains trouveront sans doute tout cela formellement beau et pas très intéressant sur le fond. Ils seront passés à côté d'un vrai moment de pur cinéma, d'un éblouissement visuel. On pense parfois, l'exubérance latine en moins, à certains films espagnols ou portugais, ceux de Pablo Berger, de Miguel Gomes ou même de Raul Ruiz.
On attendra le prochain film de Timm Kröger pour savoir si ce film hors du commun, était simplement un futur film culte ou s'il annonçait un réalisateur faisant œuvre dans une voie fantastique et dans un style élégant et maniéré. Avant le prochain, on espère que le plus possible de spectateurs découvriront cet objet filmique à identifier.
Philippe Person
• A lire aussi sur Froggy's Delight :
Pas d'autres articles sur le même sujet
# 29 septembre 2024 : On se réchauffe l'esprit
Coup de froid sur le pays, tant en terme de météo que de politique. Réchauffons nos petits coeurs avec de la musique, des livres du théâtre et la MAG#90...
Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.