Réalisé par Jawad Rhalib. Drame. 1 heure et 51 minutes. Sortie le 17 avril 2024. Avec Lubna Azabal, Fabrizio Rongione, Catherine Salée, Kenza Benbouchta, Ethelle Gonzalez-Lardued, Johan Heldenberg.
Depuis l'année dernière, le cinéma est revenu dans les classes, particulièrement dans les collèges et les lycées. On a d'abord vu un certain nombre de films suivant des expériences scolaires, souvent pour s'occuper des élèves ayant "décroché". Cette année, le cinéma "scolaire" est repassé du côté de la fiction. On ne parlera pas des films dans la vieille lignée des "Sous-Doués" ou de "Ducobu", mais d'œuvres infiniment plus dramatiques inspirés de faits divers réels. Si la biographie des profs morts, héros de la laïcité officielle, n'est pas encore à l'ordre du jour, on a vu successivement un film allemand ("la salle de classe"), un film français ("Pas de vagues", ressemblant curieusement aux "Risques du métier" d'André Cayatte) et aujourd'hui un film belge, "Amal" de Jawad Rhalib.
Si l'on devait faire une hiérarchie de leur contenu respectif, c'est de très loin ce film belge qui l'emporterait, tant il va jusqu'au bout de son parti pris, décrit une situation sans équivoque et s'appuie sur une comédienne d'une puissance rare, Lubna Azabal.
Déjà le fait de mettre en avant un personnage de professeur femme, et qui plus est d'origine arabe, implique déjà qu'en cas de conflit avec les élèves les plus réceptifs à l'idéologie islamiste les choses vont prendre une méchante tournure.
Amal, passionnée de littérature et aimant l'enseigner, ne pouvait que heurter ses élèves travaillés par la pudibonderie religieuse. D'autant plus que l'on apprend du film que le système scolaire belge permet à des profs, choisis par les autorités religieuses elles-mêmes, de venir enseigner à l'intérieur des bâtiments publics leur religion aux élèves qui le souhaitent. Contestée, cette disposition est parait-il en voie de suppression. Mais, au moment où le film est tourné, il y a un prof d'islam dans la bergerie scolaire. Quelqu'un qui s'est, et sans doute par opportunisme, fraîchement islamisé, et qui a un compte à régler avec Amal. Joué à la perfection par Fabrizio Rongeone, un acteur italo-belge que l'on connaît bien, le personnage est sans doute un peu (beaucoup) caricatural et un Tartuffe commode pour la démonstration du metteur en scène. On répètera que c'est là ce qui contribue à la force du film, force que n'a pas, par exemple, "Pas de vagues" : il va droit au but et ne s'embarrasse pas de circonvolutions pour donner raison à tout le monde. On rappellera aussi , et c'est la leçon apportée par les grands films étasuniens, qu'il n'hésite pas à foncer tête basse dans un manichéisme certain. Cela rend les démonstrations plus convaincantes et, paradoxalement, empoisonne l'autre camp qui ne peut défendre entièrement les personnages qu'il devrait logiquement soutenir.
Ainsi tout l'argumentaire de Fabrizio Rongione et toute sa stratégie pour nuire à Amal parait plausible mais ne pèse pas lourd face à l'antipathie appuyé que le réalisateur voue au personnage auquel personne, même quelqu'un professant ses idées, n'aimerait dès lors ressembler.
On attend, on espère même, qu'un film français aura, un jour prochain, les qualités d'"Amal" de Jawad Rhalib pour bien traiter des destins de Samuel Paty et de Dominique Bernard, et surtout ne pas les enfermer dans des récits pour téléfilms bienpensants.
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