Avec un nom pareil on jurerait avoir à faire à un vieux DJ italien des années 90 qui sort des maxi vinyls au kilomètre pour alimenter tous les DJ de la Côte d'azur et autre dancing clubs d' Ibiza.
Pourtant c'est aux années 70/80 qu'il faut remonter pour trouver trace de Scritti Politti. Et qui plus est, bien loin de l'Italie puisque le garçon derrière ce groupe est en fait Gallois et se nomme Green Gartside.
Le groupe a connu son heure de gloire en même temps que son déclin, comme Joy Division, Gang of Four, et autres troubadours de l'époque, devenus dans le meilleur des cas des groupes cultes, dans le pire des groupes oubliés.
Reconnu sans avoir jamais été connu (c'est-à-dire encensé par les gens du milieu - musical s'entend - et quasi ignoré par le public à quelques belles ventes de singles près) Scritti Politti avait déjà tenté un retour en 1999 dans la plus totale indifférence. Pas découragé, Gartside revient à ses premiers amours en 2006 avec ce White Bread, Black Beer.
Séparé à l'époque de son label Rough Trade, pour des raisons budgétaires, concernant un disque qui ne verra jamais le jour nous dit la petite histoire, c'est à nouveau sur ce label mythique anglais que revient Scritti Politti. Joli retour quoi qu'il en soit car ce White bread, Black Beer recèle quelques perles.
Le premier titre d'abord. Surprenant hip hop minimaliste et curieuse introduction à ce qui suit. Car dès "Snow in the sun" on sait que ce disque va rester longtemps sur nos platines.
C'est un travail d'orfèvre musical auquel nous avons à faire ici. Ce "Snow in the sun" et dans une moindre mesure "Petrococadollar", plus moderne, semblent tout droit sortis de l'imagination du plus génial des grabataires. J'ai nommé, vous l'aurez deviné, Brian Wilson.
Et oui, il faut parfois mettre la barre haute … quitte à passer dessous au moment de l'essai fatidique. Ici Scritti Politti s'en sort brillamment et se laisse même une marge de sécurité.
Harmonies vocales, rythmique douce, mélodie sucrée mais néanmoins pas si évidente pour une oreille non exercée, ruptures de rythme et puis cette fin … étonnante à la Frazier Chorus (eh oui, je sais, toi le jeune qui me lit, tu ne connais pas non plus ce fameux groupe des années 80, glorieuses dans leur genre).
Cela étant dit, White Bread, Black Beer n'est tout de même pas un nouveau Pet Sound. Ne rêvons pas. Mais la pop ciselée et bancale (peut on encore parler de pop d'ailleurs ?) en ravira plus d'un aux rangs desquels nous ne manquerons sans doute pas de retrouver les fans de Prefab Sprout dont "Dr Abernathy" ou "Mrs Hughes"se rapprochent beaucoup tant par les arrangements que par la voix.
Pour le reste, l'auditeur ne risque pas de s'ennuyer et voyage de sonorités électro cheap ("Locked", "Throw") chippées à The Fall, en pop groovy qui donne envie de claquer des doigts ("Cooking") avec une escale exotique vers un rock électro totalement kitch et tubesque ("E Eleventh nuts").
Il n'y a guère de doute, avec White Bread, White Beer, c'est un des meilleurs disques des années 80 qui vient de voir le jour. |