Spectacle mis en scène par Luca Franceschi et interprété par Luca Franceschi, Julie Marichal, Caroline Poiré, Gregory Nardella / Fabio Zenoni et Carole Ventura.
Si, comme Caroline Poiré, l'initiatrice de ce spectacle où elle est aussi partie prenante comme actrice, on s'est spécialisé dans la défense des victimes de violences sexuelles, conjugales, intrafamiliales et de harcèlement, le titre qu'elle a choisi s'imposait. Combien de fois n'a-t-elle pas entendu, comme un couperet préfigurant une justice défaillante, ces trois mots contre lesquels il n'y a pas grand-chose à rétorquer : "Classement sans suite".
Elle a voulu faire passer ce message tout simple : jusqu'à quand la plupart des victimes recevront cette réponse laconique dans sa forme, cruelle dans ce qu'elle laisse de souffrances jamais éteintes ?
Parler, raconter, instruire de nouveau, c'est tenter de prouver qu'il faut persévérer dans la chasse aux coupables, ne pas accepter la fatalité de leur non-condamnation.
Ils sont cinq sur le plateau. Chacun joue un élément de ce qui devrait être à chaque fois une mise en accusation qui aboutit à un résultat symbolique ou pas. Il y a donc la-les victimes, le ou les agresseurs, les associations qui accompagnent les victimes, le ou les représentants des institutions, policiers et magistrats et l'entourage des victimes.
Luca Franceschi, qui a écrit et mis en scène Classement sans suite ne s'appuie pas sur une affaire particulière. Non, on le répète chaque personnage représente une catégorie et est à la fois un cas et tous les cas. On n'aura aucune peine à comprendre le dispositif choisi dès la première histoire traitée. Il a l'avantage de montrer combien elles sont nombreuses et variées ces affaires et combien est scandaleux ce verdict majoritaire qui est de débouter l'agressée, car évidemment la majorité de cette majorité de victimes se conjugue au féminin.
Tout ce qu'on va entendre, qui souvent va au-delà de ce qu'on pensait possible d'entendre, aboutit à une constatation simple et lapidaire : on n'est qu'au début d'une prise de conscience. Bien loin du but qui est de sortir les violences sexuelles d'une trop large impunité.
Certains pourront remettre en cause l'idée de théâtraliser le sujet en se demandant si cela peut jouer un rôle dans un processus, si on ne risque pas d'alimenter un certain manichéisme. Les cinq personnages symboliques ne sont eux-mêmes pas dupes et doutent parfois de ce qu'ils sont en train de faire. On imagine que jouer les méchants à l'envi finit par avoir des conséquences sur l'acteur lui-même, qui s'interroge alors sur l'écriture de son personnage.
Entre Pirandello et Brecht, sans d'autre prétention que d'être utile à la cause défendue, les cinq acteurs donnent le visage d'un groupe concerné, prêt à débattre avec son public, conscient que le combat mené sera de longue haleine. Pour le moment, à leur niveau, ils réussissent la tâche qu'ils s'étaient fixés : intéresser leurs auditeurs, leur donner des arguments sur le sujet traité, sans trop sombrer dans le didactisme ni jamais les ennuyer. |