Théâtre de Belleville
(Paris) du 1er septembre au 30 novembre 2024
Texte d'Emmanuelle Bayamack-Tam, adapté et mis en scène par Sylvain Maurice avec Constance Larrieu.
Si on avait lu Arcadie, le roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam, on pouvait s'interroger sur la manière de rendre sur scène une œuvre à la première personne, très "bavarde" et brassant une matière en fusion, pleine de thèmes polémiques pas forcément porteurs de consensus, comme la question du genre ou celle des communautés dites sectaires.
Ceux qui ont suivi les années Sartrouville de Sylvain Maurice ne se faisaient pas beaucoup de soucis : ils savaient qu'il était coutumier de l'adaptation au théâtre de romans qu'on pensait difficilement adaptables.
Comme souvent, il a posé son personnage unique au centre d'un carré parcouru au fil du spectacle de lumières définissant des ambiances différentes et signifiantes. Comme souvent, il ne s'est pas trompé sur l'interprète qu'il a choisi pour faire vivre un texte qui n'était pas au départ pensé pour le théâtre.
En l'occurrence, Constante Larrieu, micro en bouche, captive en rock-star son public. En un peu plus d'une heure, on a écouté l'essentiel d'un roman de 450 pages et surtout vu incarner une ado de 15 ans, Farah-Arcadie, en train de se transformer en homme... L'actrice, une fois lancée, ne peut plus arrêter : elle distille son message avec une conviction qui ne souffre aucune contestation.
Et pourtant, il y a de quoi... On ressent parfois la même gêne qu'en lisant le roman : Farah est confrontée au fondateur de "Liberty House", la communauté dans laquelle elle vit avec ses parents. Dans un passé récent, on l'aurait désigné sous le vocable de gourou qui, sauf erreur, n'est ici jamais prononcé. Ses pratiques sexuelles, ses relations sensuelles avec la plupart de ses "ouailles" sont de celles qui sont désormais reprochées à beaucoup de puissants accusés d'emprises sur leurs proches ou leurs affiliés.
Arcadie est donc un spectacle qui, malgré ses qualités, mérite d'être interrogé. On espère que tout le monde sera d'accord là-dessus. Le contraire aurait le désavantage de laisser le sentiment qu'on est devant un spectacle régressif qui, sous couvert de liberté, prône des valeurs d'un autre temps, celui d'avant Me Too. On serait loin, alors, de l'"utopie libertaire" revendiquée joyeusement par Emmanuelle Bayamack-Tan et bien illustrée par Sylvain Maurice.
Philippe Person
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