Le Funambule Montmartre
(Paris) du 5 au 29 septembre 2024
Spectacle de et mis en scène par Margot Cendrier avec Adèle Abonneau, Nicolas Cromer, Thibault Gueye, Denis Mathieu et Njami Tchatat.
Avec son affiche où est dessinée en son centre une arme à feu et son titre radical, Les enragés paraît, à première vue, une pièce "policière". La scène initiale, dans laquelle intervient Ismaël (Thibault Gueye), jeune homme impulsif, énervé, se parlant à lui-même pour se donner du courage, présage de sa part une action violente.
Quant apparaît Marilou (Adèle Abonneau), jeune fille guère plus âgée qu'Ismaël, on peut encore penser que le récit va être linéaire, qu'on est toujours dans un thriller qui monte tout doucement en puissance avant des affrontements inévitables. Marilou est la collaboratrice d'un écrivain, Ferdinand Collignard (Nicolas Cromer). Celui-ci additionne les succès et on le découvre en plein stress : il doit fournir dans quelques heures un nouveau texte à son éditeur.
Mais, peu à peu, même s'il brandit le fameux revolver de l'affiche, Ismaël devient un personnage de drame, presque de mélo... Car il prétend que son père est l'écrivain dont il a réussi à pénétrer l'intimité. Il apprend aussi que la jeune fille avec qui il avait presque sympathisé, n'est pas seulement la secrétaire de Collignard), mais la femme qui partage sa vie... et celle-ci s'aperçoit que son compagnon n'est pas celui qu'elle s'imaginait.
Rien n'est désormais plus simple : on n'est plus dans le thriller présumé, celui où un garçon excité vient extorquer de l'argent à un écrivain sous prétexte qu'il pourrait être son père et se doit de lui donner la somme nécessaire pour soigner sa mère malade, une femme de ménage qu'il aurait engrossée... Dans ce jeu dangereux où ce que chacun croit n'est pas forcément synonyme de vérité, la parole n'est pas libératrice. Au contraire, elle complique tout. Chacun campe sur ses positions, n'écoute pas vraiment les autres. Ce n'est pas peu dire que la rage qui les définit tous n'est pas bonne conseillère.
Pour embrouiller encore les choses, c'est au tour de l'Officier Bourdain (Denis Mathieu) de faire son apparition. Il vient juste d'interroger le complice d'Ismaël (Njami Tchatat). Les deux jeunes gens ont commis un braquage minable et le policier, très impliqué dans l'affaire, est sur les traces du fuyard en train de s'expliquer avec Collignard dans son bureau.
Margot Cendrier a écrit et mis en scène une pièce vraiment originale. Ses dialogues sont réussis d'autant qu'elle oppose des personnages qui ne se comprennent pas totalement parce qu'ils ne s'écoutent pas bien, prennent les choses de travers. Si la résolution de ce casse-tête semble possible sans passer par un bain de sang, elle n'est pas évidente. Le spectateur va comprendre plus facilement que les personnages ce qu'il va advenir d'eux, il suivra sans déplaisir tout le cheminement qui les mènera à une conclusion proche de celle qu'il avait lui-même imaginée.
Aidée par un jeu de lumières subtil signé Nathan Avot, une distribution impeccable, Margot Cendrier a su trouver le rythme nécessaire pour que ses "Enragés" tiennent la distance et n'ennuient jamais leur public. Une entrée réussie dans le métier de dramaturge.
Philippe Person
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